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Faut-il devenir végétarien pour sauver la planète ?
Article mis en ligne le 12 avril 2015
dernière modification le 4 avril 2015

L’élevage est une source notable de gaz à effet de serre. Doit-on pour autant le supprimer ? Y a-t-il des types d’élevage respectueux de l’environnement ? Faut-il cesser de manger de la viande ou seulement de la viande industrielle ? Enquête... et réponse.

C’est le genre de débat qui anime les déjeuners à La Ruche, l’espace de bureaux coopératif qui accueille la rédaction de Reporterre. Hervé et Barnabé assument sans complexe leur côté carnivore tandis que Lorène mange sa salade, soutenue par Flore, une des animatrices de La Ruche.

« J’ai fait une école d’agronomie, raconte notre apicultrice, on parlait beaucoup d’agriculture intensive et de la quantité de ressources qu’il faut pour produire un kilo de bœuf. Je me suis dit que sachant cela, je ne pouvais pas continuer à manger de la viande. »

Pour Lorène, l’élément déclencheur a été un voyage au Mexique : « J’ai travaillé avec des communautés rurales qui souffraient de la faim parce que leurs terres étaient trop pauvres. Quelques kilomètres plus loin, les meilleurs champs étaient occupés par le bétail exporté aux États-Unis. Puis je me suis documentée sur l’impact environnemental. Manger autant de viande, c’est un caprice de riches. »

Et c’est vrai, les faits sont accablants. L’élevage paraît incroyablement destructeur pour la planète comme pour la majorité des Hommes. C’est ce qu’assène l’américain Kip Andersen dans son documentaire Cowspiracy :

« L’élevage est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre, plus que tous les modes de transport réunis » ;
« l’élevage est responsable de 91 % de la destruction de l’Amazonie » ;
« le méthane est un gaz 86 fois plus réchauffant que le CO2 », etc. (...)

tous les élevages ne se valent pas. « Le problème c’est qu’en France on a poussé le curseur de l’industrialisation trop loin, estime Sylvain Doublet, spécialiste de l’agriculture au cabinet de conseil Solagro. En France aujourd’hui, on consomme trois fois plus de protéines animales que les recommandations de l’OMS [Organisation Mondiale de la Santé - NDLR] »

Jocelyne Porcher, directrice de recherches à l’INRA Montpellier, distingue le « véritable » élevage, qui vise à créer une relation entre l’homme et l’animal, de ce qu’elle appelle « les productions animales », qui considèrent les animaux comme une ressource.

« Pour moi ce n’est pas l’élevage qui détruit la planète, ce sont les productions animales », soutient-elle. Une affirmation qui se vérifie en tout cas pour les bovins. Reporterre vous l’a déjà raconté : les élevages herbagers ont un impact moindre sur l’environnement et le climat que celui des élevages hors sol.
Des prairies riches en carbone

Pour l’éleveur Jean Cabaret, l’élevage peut même être une partie de la solution. Il a longuement réfléchi au sujet avec le groupe « élevage et changement climatique », créé au sein de son syndicat la Confédération paysanne. Ils rappellent que le sol de leurs prairies stocke du carbone, alors que les retourner pour en faire des champs dédiés à l’alimentation humaine relâcherait de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère.

Et puis, les bêtes vont souvent se nourrir dans des endroits inaccessibles aux tracteurs. « Par exemple dans mon exploitation, on a plusieurs zones en prairies humides qui ne pourraient pas être cultivées. L’élevage permet d’entretenir ces zones. Un élevage avec de bonnes pratiques agricoles peut ainsi contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique », raconte Jean Cabaret.

« On a besoin des vaches, des moutons, des chèvres parce qu’ils mangent l’herbe. Ils permettent d’entretenir les bocages, les zones peu accessibles dans les montagnes, et ils rentrent aussi dans les rotations de cultures où il y a de l’herbe », ajoute Jacques Caplat, agronome spécialiste de la bio.

Le cabinet Solagro a imaginé à quoi pourrait ressembler l’agriculture française en 2050. Une agriculture qui respecterait l’environnement, ne polluerait plus l’eau, créerait des emplois, et diminuerait son impact sur le climat. Le résultat est détaillé dans le scénario Afterres 2050.

« On a calculé qu’il faudrait diviser pas deux notre consommation de viande et par trois notre consommation de produits laitiers », explique Sylvain Doublet. Les herbivores restants seraient majoritairement nourris à l’herbe. Le tout permettrait de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture. (...)

Un élevage climato-compatible est possible, à condition de retrouver un équilibre, ajoute Léopoldine Charbonneaux : « Pour nous l’objectif c’est que l’élevage retrouve un lien au sol, explique-t-elle. A l’origine, l’élevage était là pour créer une complémentarité entre l’homme et l’animal. Les animaux mangent ce que les hommes ne mangent pas. Le problème de l’élevage intensif c’est qu’il a introduit une concurrence. » (...)

« Tout ce qui est élevage hors sol n’a aucune raison d’être », poursuit Jacques Caplat. Il plaide notamment pour une diminution très importante de la production de porcs et volailles. « Ils n’ont de sens que si ce sont de petits ateliers, dans des fermes qui font autre chose, détaille Jacques Caplat. Les porcs pourraient manger les déchets de légumes et les volailles les résidus de fermes céréalières. »

Et puis, les animaux font partie de l’écosystème agricole, rappelle Jean Cabaret. Par exemple, leurs déjections nourrissent les champs. (...)