
Depuis près de trente ans, les ouvriers de ce sous-traitant de l’industrie automobile travaillent sans hiérarchie. Le succès est au rendez-vous : l’entreprise est prospère et les salariés sont détendus et responsabilisés.
Posée comme un ovni au milieu des champs, à Hallencourt, commune coincée entre Amiens et la baie de Somme, l’usine Favi – Fonderie et ateliers du Vimeu – tourne sans discontinuer au rythme des trois huit.
Il est 13 heures pile : le moment précis où l’équipe de l’après-midi doit, comme chaque jour, prendre le relais. En fait, dans le grand hangar éclairé aux néons, tous les opérateurs sont déjà en place, installés devant leurs machines depuis cinq bonnes minutes.
« Ça a commencé avec le retrait des pointeuses, explique l’un d’eux. Quand il y en avait, tout le monde faisait la queue et on commençait plus tard. » Bienvenue chez Favi, la PME qui laisse ses ouvriers se débrouiller tout seuls.
“L’homme est bon”
Dans cette usine qui fabrique depuis cinquante ans des siphons en cuivre, des compteurs d’eau et des fourchettes de boîtes de vitesses pour la moitié des constructeurs européens, les 400 salariés sont poussés à pratiquer l’autogestion.
La hiérarchie est quasi inexistante, les fonctions support (comptabilité, bureau d’étude…) se limitent à une quarantaine de personnes et le management repose sur des principes rares dans le monde de l’entreprise.
« L’homme est bon, il faut lui faire confiance, tout le monde a le même but, satisfaire le client, et chacun doit être traité de la même façon », récite Dominique Verlant, le discret quadra qui dirige la société depuis 2008. (...)
« On gère aussi les congés, les entretiens de fin d’année et les augmentations, on transmet les revendications et on règle les conflits, comme quand l’opérateur de l’après-midi se fâche avec celui du matin pour une machine mal nettoyée. »
Ces chefs-qui-n’en-sont-pas-vraiment ont-ils l’autorité suffisante ? « Oui, assure la direction. Parce qu’ils sont cooptés pour leur expérience, leur charisme et leur justesse. » Pourtant, même avec trente ans d’ancienneté, ils ne sont payés que 2.500 à 3.000 euros net par mois. (...)
Les « Faviens » tiennent à leur organisation atypique. Il faut dire qu’elle n’empêche pas l’entreprise d’afficher de bons résultats dans un secteur où la pression des clients et la concurrence sont exacerbées : le chiffre d’affaires augmente chaque année (80 millions d’euros attendus en 2012) et le résultat d’exploitation tourne autour de 15%, bien plus que chez ses rivaux.
L’autogestion, mise en place avec intelligence, génère en effet de jolis gains de productivité (...)
Et du fric, Favi en a économisé beaucoup en donnant des responsabilités aux salariés. Sa structure est légère : pas de secrétaire, pas de magasinier (les stocks sont ouverts et autogérés), pas de régleur (l’opérateur ajuste lui-même sa machine avant de commencer).
Le service administratif ne comporte que sept salariés, standardiste incluse, le directeur financier est aussi DRH, la responsable de la paie gère la trésorerie et l’informaticien, la logistique. (...)