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le Monde
Fin du secret diplomatique ?
Aurélien Colson, professeur de science politique à l’Essec (Le grand débat)
Article mis en ligne le 16 décembre 2010
dernière modification le 14 décembre 2010

Le rapprochement surprendrait Hillary Rhodam Clinton. Mais en diffusant largement des télégrammes diplomatiques du département d’Etat destinés à rester secrets, WikiLeaks pourrait à bon droit se réclamer des Pères fondateurs de la diplomatie américaine. Entre l’indépendance de 1776 et la Constitution de 1787, George Washington, Benjamin Franklin, George Mason, d’autres républicains encore, posèrent en principe le refus du secret dans les négociations internationales. Ce refus traduisait le rejet américain des habitudes de la diplomatie européenne d’alors, coutumière des tractations obscures et des traités secrets passés au nom de monarques n’ayant de comptes à rendre à personne.

(...) Pour comprendre l’effacement des principes devant les réalités de la négociation internationale, il faut rappeler un autre moment historique essentiel. C’est encore aux héritages des Lumières et de la révolution de 1776 que puisait le président américain Woodrow Wilson quand il présenta au Congrès, le 8 janvier 1918, ses fameux "Quatorze points", au tout premier rang desquels il plaça l’interdiction de la diplomatie secrète. Or, quelques mois plus tard, c’est en secret que ce même président négocia le traité de Versailles, enfermé avec le Français Clemenceau, le Britannique Lloyd George et (pour la forme) l’Italien Orlando, à l’écart de toutes les autres délégations, à l’écart même de leurs propres entourages. (...)

cette tradition du secret se heurte de façon croissante à une injonction contemporaine de transparence, mue par un double moteur. Le moteur politique demeure dans les grandes lignes celui pensé lors des Lumières : le droit de savoir des gouvernés et le devoir de responsabilité des gouvernants ; ce moteur gagne en puissance à mesure que se démocratisent les sociétés. A ce moteur s’en ajoute désormais un second : l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication, lesquelles démultiplient l’impact de toute rupture du secret. L’affaire WikiLeaks en apporte la dernière illustration en date - pour retentissante qu’elle soit, gageons que ce n’est pas l’ultime. (....)

La transparence offre un antidote aux abus que permet le secret du pouvoir : conflits d’intérêt, arbitraire des nominations et des sanctions, détournement de l’intérêt collectif par des intérêts particuliers, corruption et concussion. Tout cela prospère dans le secret, mais dépérit lorsque des mécanismes de transparence l’exposent à la lumière du jour. George Washington le savait bien, qui fit de l’information des citoyens le thème de son dernier discours présidentiel.

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