
Il existe un catéchisme néo-libéral des « réformes » et ses commandements sont les suivants :
« • le coût du travail, tu dévalueras
• le salaire minimum, tu réduiras
• le marché du travail, tu flexibiliseras
• les indemnités de chômage, tu abaisseras
• les retraites, tu diminueras
• les dépenses de santé, tu raboteras »
En France, ce catéchisme est appliqué avec beaucoup de foi par le gouvernement socialiste. Le CICE (crédit impôt compétitivité et emploi : prononcer « sic »), le pacte de responsabilité (avec le patronat) représentent 40 milliards d’euros : voilà pour le « coût du travail ». Il y a eu une réforme des retraites, une nouvelle loi pour la santé. Il y a un projet pour rendre dégressive et moins « généreuse » l’indemnisation du chômage. Quant au salaire minimum, on n’a pas réussi à changer ses règles d’indexation, alors on les applique, mais sans « coup de pouce ». Restait donc le marché du travail.
Il y a un dénominateur commun à toutes ces réformes », et c’est le suivant : les employeurs ne devraient payer leurs salariés que quand ceux-ci travaillent effectivement pour eux. Les chômeurs, les malades, les accidentés du travail, les vacanciers, les retraités, les allocataires, etc. ne produisent pas pour leurs employeurs et représentent autant de faux frais qui nuisent à la compétitivité et faussent le libre jeu du marché. Bien sûr, il s’agit d’un idéal hors d’atteinte, mais c’est vers lui qu’il faut tendre en réduisant, autant que faire se peut, le « coût du travail », les « charges » et autres « prélèvements obligatoires ». Cette logique peut aller très loin dans les détails et s’accompagner des pires mesquineries, quand il s’agit par exemple de retirer le temps d’habillage du décompte du temps de travail ou de baisser le nombre de jours d’absence pour le décès d’un enfant.
Bien sûr, il faut détourner l’attention des véritables objectifs de ce catéchisme, et c’est pourquoi il prend très vite la forme d’une novlangue à la Orwell où ce qui est dit est le contraire de ce qui est fait. (...)
il devrait sauter aux yeux de chacun que « dire que c’est en facilitant les licenciements qu’on peut lutter contre le chômage est ahurissant » [1]. Mais c’est compter sans la théorie économique installée, qui prétend transformer les dogmes néo-libéraux en vérités objectives, incontestables, et qui s’impose à tous. Sur chacun de ses articles de foi, on peut pourtant montrer que les études sur lesquelles s’appuie la démonstration sont fragiles et biaisées. On s’en tiendra ici à celles qui sont mobilisées pour légitimer la loi El Khomri.
Petite économie politique des réformes structurelles (...)