
« Le désengagement de la France auprès de la jeunesse africaine consacre un renoncement au message universaliste », précisent des enseignants et des chercheurs. (...)
Le projet « Bienvenue en France » entend porter le montant de l’inscription en doctorat à 3 770 euros par an, soit une augmentation de près de 1 000 %, à tripler le nombre de bourses (mais pas leur montant) et à développer une incitation à la mise en place de formations en français langue étrangère (FLE) au sein des universités. (...)
Tribune. Edouard Philippe a dévoilé lundi 19 novembre le plan du gouvernement français en matière d’attractivité universitaire. Intitulé « Bienvenue en France », ce plan consiste à augmenter significativement les frais d’inscription en troisième cycle des étudiants extracommunautaires afin, nous dit-on, de mieux financer l’accueil à l’université et d’augmenter le montant des bourses attribuées aux étudiants étrangers. (...)
Concrètement, cette mesure aura un impact extrêmement négatif sur les étudiants originaires du continent africain. Ils sont à la fois les plus nombreux et les plus fragiles économiquement. En 2015, 298 902 étudiants étrangers étaient inscrits en France. Parmi eux, les étudiants africains représentaient 42,5 % du total (25,7 % étaient issus de l’Union européenne, 17 % d’Asie, 9,1 % des Amériques et 4,3 % du Moyen-Orient). Au-delà de la remise en cause de l’université comme service public que ce projet préfigure, cette mesure est à la fois paradoxale et néfaste. (...)
Au moment où se dessine un mouvement de restitution aux pays africains de biens mal acquis (patrimoine culturel) dans la foulée de la remise du rapport Savoy et Sarr et une amorce d’un processus d’inventaire de la colonisation (guerre d’Algérie, cérémonies du centenaire 1918, déclassification d’un certain nombre d’archives annoncée par François Hollande), la hausse du montant d’inscription constitue un très mauvais signal. La France renonce à accueillir de façon digne une majorité d’étudiants africains et renonce par là même à toute relation privilégiée avec les intellectuels, ingénieurs et cadres africains de demain. Une mesure aux conséquences néfastes à long terme.
Désormais, l’intelligentsia africaine est convoitée par les nouveaux acteurs mondiaux comme la Chine et l’Inde et par les régimes islamistes. (...)
L ’Arabie saoudite comme la Turquie sont devenus également des pourvoyeurs importants de bourses aux étudiants africains avec des programmes en expansion (en 2018, l’Arabie saoudite passe de la 30e à la 13e place dans la liste des pays pourvoyeurs de bourse, la Turquie de la 27e à la 11e). La réduction du nombre d’étudiants africains dans les universités françaises aboutira également à l’appauvrissement des échanges et de la circulation des idées nécessaire au débat scientifique.
Le désengagement de la France auprès de la jeunesse africaine consacre un renoncement au message universaliste et critique que portent les sciences sociales francophones sur le continent africain, et abandonne à d’autres, dont les idéologues les plus néfastes, le soin de former des cadres ou de transmettre des savoirs au continent. (...)
Privilégier l’inscription de candidats aisés étrangers en augmentant les frais d’inscription, c’est implacablement réduire le nombre des étudiants africains en mesure de s’inscrire en France. C’est refuser de répondre à la demande d’un futur moderne de la jeunesse africaine et c’est renoncer au rôle joué par les universités françaises dans la construction et la diffusion d’une pensée complexe et universelle. Il est indispensable que les frais d’inscription pour les étudiants des pays africains restent les mêmes que pour les étudiants de l’Union européenne.