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Human Right Watch (HRW)
France : Des enfants migrants privés de protection Des procédures défectueuses dans les Hautes-Alpes, comme à Paris et ailleurs
Article mis en ligne le 6 septembre 2019

Les enfants migrants non accompagnés qui arrivent dans le département français des Hautes-Alpes sont soumis à des procédures d’évaluation de l’âge défectueuses privant nombre d’entre eux de la protection dont ils ont besoin, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

Le rapport de 80 pages, intitulé « ‘Ça dépend de leur humeur’ : Traitement des enfants migrants non accompagnés dans les Hautes-Alpes », montre que les évaluateurs, dont le travail consiste à certifier la minorité d’un enfant, c’est-à-dire qu’il a moins de 18 ans, ne se conforment pas aux normes internationales. Human Rights Watch a constaté que les évaluateurs utilisent diverses justifications pour refuser d’octroyer une protection aux enfants, telles que des erreurs minimes de dates, une réticence à aborder dans le détail des expériences particulièrement traumatisantes, des objectifs de vie jugées irréalistes, ou encore le fait d’avoir travaillé dans le pays d’origine ou au cours du parcours migratoire.

« La protection de l’enfance ne devrait pas dépendre de l’humeur ou du bon vouloir d’une personne, » a déclaré Bénédicte Jeannerod, Directrice France à Human Rights Watch. « Les évaluations de l’âge devraient garantir le droit des enfants à une procédure équitable, et non pas consister à trouver des excuses pour leur refuser une protection. »

Human Rights Watch a constaté les mêmes pratiques défectueuses dans les procédures d’évaluation de l’âge à Paris, et a recueilli des témoignages de décisions arbitraires prises dans d’autres départements français, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’un problème répandu en France. (...)

L’une des conséquences immédiates d’un refus de reconnaissance de minorité pour les enfants non accompagnés est d’être évincés des lieux d’hébergement d’urgence, même pour ceux qui demandent le réexamen de leur cas par un juge. Certains trouvent refuge auprès de familles qui proposent bénévolement de les accueillir ou dans des squats gérés par des réseaux bénévoles. D’autres sont hébergés dans des lieux pour adultes ou se retrouvent à vivre à la rue. Les recours peuvent prendre des mois, ce qui peut affecter l’éligibilité des enfants à un statut migratoire régulier à leurs 18 ans.

La plupart des enfants interviewés disent avoir passé entre six mois et plus d’une année en Italie avant de décider de se rendre en France. Nombre d’entre eux ont cité le manque d’accès à l’éducation et aux soins médicaux comme la principale raison ayant motivé leur décision de quitter l’Italie. Certains enfants ont mentionné les attitudes discriminatoires des représentants du gouvernement et d’une partie de la population.

Les évaluations de l’âge défectueuses ne sont pas les seuls obstacles que doivent surmonter les enfants non accompagnés.

La police aux frontières dans le département des Hautes-Alpes a sommairement renvoyé des enfants migrants non accompagnés tentant de traverser la frontière entre l’Italie et la France, au lieu de les orienter vers les services de protection de l’enfance, a constaté Human Rights Watch. (...)

La loi française prévoit une procédure accélérée de « refus d’entrée » pour les enfants et les adultes interpelés à moins de 10 kilomètres de la frontière. Si tel est le cas, la police doit émettre un refus par écrit indiquant les motifs du refus d’entrée et le droit à demander l’asile et à faire appel du refus d’entrée. Les enfants devraient se voir désigner un administrateur ad hoc. Dans les neuf cas étudiés par Human Rights Watch, la police semble ne pas avoir respecté ces protections procédurales pourtant limitées.

Pour éviter une interpellation et un renvoi sommaire, les enfants non accompagnés nous ont dit avoir marché dans les montagnes, loin des sentiers balisés, se mettant ainsi en grave danger. Lorsqu’ils arrivent à Briançon, de nombreux enfants souffrent d’engelures, de diverses blessures et d’épuisement.

Par ailleurs, la police française harcèle et parfois engage des poursuites contre les personnes aidant les migrants en détresse dans les montagnes. Les autorités ont continué à ouvrir des procédures judiciaires malgré la décision du Conseil constitutionnel de juillet 2018 selon laquelle apporter une aide à des personnes dans le besoin, y compris des migrants en situation irrégulière, est protégé par la Constitution. (...)

De telles formes de harcèlement ne sont pas propres aux Hautes-Alpes : les travailleurs humanitaires, bénévoles et militants opérant à Calais et aux alentours ont décrit des pratiques similaires à Amnesty International, au Défenseur des droits, à Human Rights Watch et aux Rapporteurs spéciaux de l’ONU.

La France a les mêmes obligations que les autres États membres de l’Union européenne de garantir aux enfants non accompagnés arrivant à ses frontières le respect de leurs droits tels que définis dans le droit européen et international. Comme le documente Human Rights Watch dans d’autres travaux de recherche, la France n’est pas le seul pays de l’Union européenne à faillir à ses obligations de respecter les droits humains de manière constante. Mais le fait que les enfants non accompagnés ont pu voir leurs droits bafoués dans d’autres pays de l’UE ne réduit en rien l’obligation de la France de respecter les normes internationales et régionales, ainsi que le droit de l’Union européenne, a déclaré Human Rights Watch. (...)

« Porter assistance aux enfants et adultes dans le besoin, quel que soit leur statut migratoire, ne devrait jamais être traité comme un crime », selon Bénédicte Jeannerod. « Les enfants migrants devraient être évalués de manière équitable, pour que la protection à laquelle ils ont droit soit assurée. »