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le Monde
François Graner : « Plus on avance, et plus le tableau est accablant » pour la France au Rwanda
Article mis en ligne le 17 janvier 2021

Le chercheur, qui a eu accès aux archives de l’Elysée, décrit une politique française au Rwanda parfaitement maîtrisée, établie par un cénacle autour de François Mitterrand. (...)

É

Physicien et directeur de recherche au CNRS, François Graner a obtenu du Conseil d’Etat, en juin 2020, un accès aux archives de François Mitterrand concernant la politique de la France au Rwanda et le génocide des Tutsi, qui a fait 800 000 morts en 1994. Egalement membre de l’association Survie, qui vise à mettre fin « à toute intervention néocoloniale en Afrique », François Graner est l’auteur de deux ouvrages sur le Rwanda (...)

Vous avez eu accès à des cartons d’archives de François Mitterrand, dont une partie n’était pas connue. Qu’en retenez-vous ?

Les documents que j’ai consultés viennent renforcer les résultats de nombreux travaux faits depuis vingt-cinq ans. Plus on avance et plus le tableau est accablant. A aucun moment, de 1990 à 1994, on n’observe de panique ou d’aveuglement à Paris. Des procédures sont mises en place, des informations et des analyses remontent. Les responsables politiques jouent leur rôle. Quant aux ordres donnés aux administrations et aux militaires, ils descendent. Bref, tout fonctionne. La politique de la France qui est appliquée au Rwanda est celle des décideurs, en particulier d’un petit noyau autour de François Mitterrand.

L’ancien président et trois hauts gradés – le général Christian Quesnot [conseiller militaire], le général Jacques Lanxade [chef d’état-major des armées] et le général Jean-Pierre Huchon [chef de la mission militaire de coopération] – partagent une même ligne. Ils fonctionnent en cercle vicieux. Ils s’influencent mutuellement, avec François Mitterrand.
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La politique qui est alors pratiquée au Rwanda existe aussi dans d’autres pays africains. Il s’agit de préserver un régime au sein de la zone d’influence française, sans se préoccuper de ce qu’il inflige à sa population. Le Rwanda est le pays où les conséquences seront les plus graves.

Les documents montrent bien comment les généraux Quesnot et Lanxade influencent Mitterrand sur des points précis. Ils déforment l’information reçue de leur base, et ils la transforment en un affrontement entre une zone d’influence française et une autre, d’influence anglaise ou anglo-saxonne. Ils désignent les Tutsi et le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame comme des ennemis. Mitterrand et ces trois militaires sont obsédés par l’influence anglo-saxonne. Avec la cohabitation, à partir du printemps 1993, les procédures changent un peu en ce qui concerne la circulation de l’information, mais pas au niveau de la prise de décision. C’est Mitterrand qui décide à peu près de tout.
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