
Théâtre annoncé des divisions entre « puissances occidentales », le 44ème G7 qui se tient au Québec masque mal l’impasse dans laquelle Macron, Trudeau et l’UE nous enferment : défendre le Monde tel qu’il est, celui du néolibéralisme qui a nourri Trump et le Brexit, plutôt qu’inventer le Monde de demain, celui qui pourrait résoudre les grands défis auxquels nous sommes confrontés.
(...) Macron, Trudeau et l’UE nous enferment dans une impasse, incapable de se saisir des enjeux du 21ème siècle : face à l’isolationnisme protectionniste américain, ils défendent le cadre néolibéral multilatéral façonné depuis trente ans qui nourrit pourtant les replis nationaux et identitaires à l’origine, notamment, de l’élection de Donald Trump et du Brexit. Ils entretiennent ainsi le mal qu’ils prétendent combattre.
Détail de ces erreurs en 3 points :
Erreur n°1 : défendre un multilatéralisme de façade plutôt que le réinventer (...)
Il faut bien avoir en tête ce qu’implique défendre le G7 : c’est débattre de la croissance mondiale, du commerce international, du changement climatique ou de la sécurité entre les Etats en mettant sur la touche des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, la Corée du Sud, l’Afrique du Sud, et plus généralement l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Amérique du Sud, l’Europe « non occidentale » et l’Asie du Sud-Est. C’est juste anachronique. Représentant moins de 10% de la population mondiale et moins de 50 % du PIB mondial, le G7 est une scorie du passé, sans légitimité aucune pour définir ce que doit être notre avenir commun sur cette planète menacée.
Que devraient faire Macron et Trudeau ? Reconnaître cet état de fait, assumer le caractère désuet du G7, accepter sa disparition et défendre le seul multilatéralisme qui puisse être réellement multilatéral, à savoir des discussions et négociations au sein d’une ONU modernisée et démocratisée.
Erreur n°2 : s’engager dans la guerre commerciale plutôt que promouvoir une alternative (...)
Là où Donald Trump envoie un message à son électorat en affirmant que ses mesures (limitées) contribuent à un « commerce équitable » (Fair Trade ! a-t-il tweeté), Macron, Trudeau et l’UE défendent becs et ongles le cadre commercial international qui, de part ses impacts négatifs sur l’emploi, les économies locales et l’environnement, a nourri la vague de fond qui a permis à Trump de devenir le 45ème Président des Etats-Unis.
Reprenant à leur compte et sans recul la belle histoire d’une « mondialisation heureuse », Macron Trudeau et l’UE ne cessent d’agiter la crainte des « dangers du protectionnisme ». (...)
Force est de constater que ces promesses d’une mondialisation créatrice d’emplois et source du bonheur généralisé, sans cesse renouvelées et contredites par les faits et le ressenti des populations impactées, tournent à vide. Sauter comme un cabris avec un discours mille fois entendu ne fait pas une politique. De fait, Macron Trudeau et l’UE n’apportent aucune réponse tangible aux désastres sociaux et écologiques engendrés par la mondialisation.
Pire, ils se placent sur le même registre que Trump. (...)
Que devraient faire Macron, Trudeau et l’UE ? Refuser d’entrer dans le jeu de Trump et de s’enferrer dans le piège qui nous est tendu entre « protectionnisme nationaliste » et « défense du néolibéralisme commercial ». Il est temps, non pas seulement de reconnaître les dégâts de la mondialisation en termes d’emplois et d’environnement, mais d’introduire des régulations qui permettent de résoudre ces grands défis du 21ème siècle. Si l’économie du G6 est si forte qu’elle peut s’opposer aux Etats-Unis (et au reste du monde) alors cet espace économique est suffisant pour qu’il y soit introduit des régulations climatiques et sociales modernes et adaptées pour contenir le réchauffement climatique et juguler le chômage de masse. (...)
Erreur n°3 : s’affirmer « pro-climat » à l’international et faire le contraire à domicile
Justin Trudeau et Emmanuel Macron partagent le même penchant instinctif : délivrer des discours internationaux offensifs et volontaristes en matière de protection de l’environnement et de lutte contre les dérèglements climatiques, et faire tout le contraire sur le plan national (fédéral pour le cas du Canada). Face à Trump, Macron et Trudeau ont bien compris qu’il était facile de se donner une image de "champion du climat" à l’international. Au niveau national, rien de tel : les actes ne suivent pas les discours (....)
Que devraient faire Macron, Trudeau et l’UE ? Enfin prendre au sérieux les crises climatique et écologique et modifier leurs politiques domestiques en conséquence : Macron et Trudeau ne doivent plus incarner dans leurs actes ce schisme de réalité consistant à dire de l’urgence climatique qu’elle est la priorité n°1 sans ne jamais rien changer aux vieux réflexes pavloviens et destructeurs consistant à protéger le business de toutes nouvelles régulations, nationales ou internationales, qui viendraient encadrer leurs activités. (...)
on n’essaie pas d’amadouer Trump et son électorat avec des arguments surannés, profondément idéologiques et aveugles sur la réalité qui nous entoure. On affronte Trump, et son monde, par la construction d’un rapport de force autour d’une alternative clairement identifiée et défendue.
Défendre le G7 et le néolibéralisme contre Trump, c’est défendre le siècle passé.
Combattre Trump en oeuvrant clairement en faveur de régulations sociales, écologiques et fiscales sur le plan international, ce serait au contraire construire le monde de demain.