
À la différence de la démarche postcoloniale issue du monde anglophone, la pensée décoloniale est originaire du tiers monde, dans la diversité de ses histoires locales et de ses époques. Elle met en évidence la dimension raciste et culturellement infériorisante de la domination coloniale et s’ouvre à des modes de vie et de pensée disqualifiés depuis le début de la modernité capitaliste/coloniale.
C’est une pensée « frontalière » qui ne se laisse pas saisir par des territoires étatiques ou des disciplines universitaires constituées. C’est une pensée des frontières mais aussi de leur transgression. La désobéissance épistémique décoloniale, dit Walter Mignolo, est aussi une « déprise » par rapport aux modèles politiques et économiques dominants et de tout projet de « réoccidentalisation » ou de « désoccidentalisation ».
(...) Aujourd’hui, la pensée décoloniale engage l’égalité mondiale et la justice économique, mais affirme que la démocratie occidentale et le socialisme ne sont pas les seuls modèles qui puissent orienter notre pensée et nos actes. Les arguments décoloniaux proposent le communautaire comme alternative au capitalisme et au communisme. Ainsi, dans l’esprit de Bandung, l’intellectuel aymara Simon Yampara précise que les Aymaras ne sont ni capitalistes ni communistes. Ils promeuvent la pensée décoloniale et l’acte communautaire.
La décolonialité est originaire du tiers monde, dans la diversi (...) té de ses histoires locales et de ses époques. (...)
La décolonialité n’est pas un projet qui cherche à s’imposer en tant que nouvel universel abstrait qui remplacerait et « améliorerait » la réoccidentalisation et la désoccidentalisation. Il s’agit d’une troisième force qui se déprend de ces deux projets, et revendique son existence dans la construction des futurs qui ne peuvent pas être laissés dans les mains de desseins réoccidentalisants ou désoccidentalisants. Il est encore trop tôt pour prédire ce qui viendra.