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Gilets jaunes et communication : la fin de l’indulgence
/ Sophie Backer
Article mis en ligne le 19 mai 2019

Le phénomène des gilets jaunes a ceci d’important, en communication, qu’il signe la fin de l’indulgence à l’égard d’une parole déplacée. Les propos malvenus, décalés, méprisants, ne sont plus tolérés. Pire que cela, ils suscitent de la colère, y compris jusqu’à la violence.

L’une des explications de cette violence - sans qu’elle soit admissible d’aucune façon - tient dans le changement de rapport entre l’orateur et l’auditoire. Aujourd’hui plus qu’avant, la parole est interrogée dans ce qu’elle porte de sens.

En effet, depuis la fin du 20ème siècle jusqu’à aujourd’hui, nous avons connu trois époques communicationnelles. La quatrième vient d’advenir. (...)

La première époque était celle du temps de la déférence envers l’orateur. Il se situait au-dessus de la mêlée. (...)

Puis, vers la fin des années 80, est arrivée, avec l’individualisation des comportements, l’époque de l’auditoire critique envers l’orateur. Le pouvoir a alors changé de place. Il s’est déplacé de l’orateur sur l’auditoire. Celui-ci, muni d’une zapette, a commencé à choisir ce qu’il écoutait. (...)

La troisième époque communicationnelle, est celle de l’expression, claire et assumée, de la lassitude et de l’ennui. C’est l’ère du smartphone, objet qui permet de s’immiscer, via les médias sociaux, dans n’importe quel débat, de télescoper n’importe quel orateur, de lui « rapter » sa parole, de la détourner en un « bad buzz », destructeur d’image.

Quatrième époque, la nôtre depuis quelques mois : l’auditoire, « rapteur » de parole, fait main basse aussi sur les images.

L’auditoire, mécontent de l’inaudibilité de ce qui lui est dit, casse des symboles républicains ou capitalistes pour mettre en scène sa colère. Il tient les rênes du Discours. Il a pris la main.
Il l’a prise d’autant plus facilement que les orateurs en face de lui n’ont pas compris les changements. Ils croient encore qu’ils peuvent raconter n’importe quoi et qu’on va les écouter et les suivre. Ils croient que l’auditoire ne peut pas, ou ne sait pas, évaluer la qualité d’un propos. Ils croient encore que le « bla bla » suffit.

La crise des gilets jaunes est une crise de la cacophonie

Ces orateurs, bloqués en un temps ancien, insultent les mots et leur sens. Ils insultent ceux qui écoutent et voudraient bien comprendre, ceux qui les conseillent sur une communication professionnelle. Ils injurient aussi les journalistes, coupables de tous les maux …et de tous les mots.

Pourtant, la parole peut se construire, s’élaborer, se faire belle et efficace. La construction d’un propos répond à quelques règles simples, précises, pour certaines assez proches de ce qu’on apprend, à l’école, en cours de français (...)