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le Monde Diplomatique
Gratuité : en Italie, une autre économie
Article mis en ligne le 15 octobre 2012
dernière modification le 13 octobre 2012

Une petite localité suspendue dans le temps, un ancien bourg médiéval en pierre à l’aspect de château fort : Torri Superiore, située dans le Val Bevera, au pied des Alpes ligures, a conservé des traces de vie communautaire, sa grande salle collective, son four à ciel ouvert et son réseau de cent soixante pièces et passages au plafond voûté.

A la fin des années 1970, le village assoupi s’était brièvement réveillé, avec une expérience d’utopie communautaire impulsée par un situationniste turinois. Puis, en 1989, il fut pris en main par un groupe de jeunes qui décida d’y fonder un écovillage. Aujourd’hui, ils sont seize habitants, enfants compris. Ils se partagent les tâches et les revenus, prennent les décisions par consensus, tout en acceptant une certaine élasticité individuelle (certains vivent dans la communauté mais travaillent à l’extérieur). Ils organisent des activités culturelles et sociales et contrôlent l’avancée des travaux de restauration, confiés à de petites entreprises locales pratiquant la bio-architecture et faisant usage de matériaux naturels.

Des bandes de terre qu’elle cultive au bord du torrent, la communauté tire une petite production d’huile, de légumes et de fruits destinée à sa propre consommation. Ici on s’oriente vers l’économie du don (...)

Durant toute l’année, des gens de tous les coins du monde viennent au village participer aux cours de formation environnementale. Les bénévoles sont logés et nourris, et en échange font des travaux d’agriculture, d’informatique ou de menuiserie. Autour de la table, les discussions s’enflamment dans toutes les langues... Comment restreindre l’importance de l’argent dans ce type d’agencement informel qui, de toute manière, s’inscrit dans les marges de l’économie officielle ? Peut-on se dégager de rapports sociaux aliénés et dépasser le fétichisme de la marchandise en cherchant à renouer avec le primat de la valeur d’usage de la société agricole féodale ?

Depuis le début des années 1990, les regroupements de ce type ne sont pas rares en Italie. Ils se rassemblent pour la plupart dans le Réseau italien de villages écologiques (RIVE), né en 1996. A la « société du pétrole » et à l’utilitarisme de l’Homo œconomicus, il s’agit d’opposer des pratiques de partage et de coproduction inspirées de la théorie du don de Marcel Mauss, sur la base du triptyque donner-recevoir-échanger. (...)

Groupements d’achat de quartier, banques du temps, économie de communion… les « utopies du bien-faire », comme les appelle le sociologue Giulio Marcon (1), ont une longue histoire. (...)

L’économiste et journaliste Roberta Carlini a cherché à comprendre comment ces expériences s’articulent avec l’économie et la politique traditionnelles, à travers une enquête en forme de voyage dans l’« Italie qui partage ». (...)