L’émission de débat télévisé Ce soir ou jamais présentée par Frédéric Taddeï proposait le 30 janvier 2015 un débat intitulé « Victoire de Syriza : les conséquences d’un vote anti-austérité ». L’intérêt de cette émission est d’avoir confronté des points de vue tout à fait contradictoires. Éric Toussaint, porte parole du réseau international du CADTM, a réussi à rendre un peu de souveraineté au peuple grec, en remettant les horloges à l’heure.
Cela commençait fort avec Jean-Marc Daniel, journaliste économique au Monde et à BFM, s’étonnant de l’accueil fait en France à la victoire de Syriza, « ceux-là mêmes qui vont vous voler » ! Le ton était donné, et nous avons eu droit à la quintessence des discours tenus depuis le début de l’affaire de la dette grecque : ils ont doublé le nombre de fonctionnaires sur les dernières années, doublé leurs salaires, le budget était en déficit permanent... « Les Grecs ont fait n’importe quoi ! On ne peut dépenser 115 quand on gagne 100 », proclamait Arnaud Leparmentier, éditorialiste au même journal Le Monde. Heureusement, la romancière grecque Ersi Sotiropoulos a rappelé ce que signifiait l’austérité dans la vie quotidienne des Grecs.
Les thèmes essentiels abordés dans ce débat : la démocratie, l’« aide » européenne à la Grèce, le projet de Syriza.
Pour ce qui est de la démocratie, la question posée est la suivante : Syriza peut-il revenir sur les décisions et les engagements pris par les gouvernements grecs antérieurs vis-à-vis de la Troïka ? Bien sûr, pour les tenants de l’austérité et de la rigueur demandée par les créanciers, la Grèce doit tenir ses engagements, « vis-à-vis des peuples européens » précisent-ils.
Éric Toussaint a rappelé qu’en votant majoritairement pour Syriza, le peuple grec s’est clairement prononcé contre l’austérité, et en faveur d’un programme qui entend abolir toute une série de mesures injustes : retour au salaire minimum légal tel qu’il était en 2010, rétablissement de l’électricité aux 300 000 ménages qui en étaient privés, arrêt des privatisations, et y compris une décision peu mise en avant par les médias, l’attribution de la nationalité grecque aux enfants d’immigrés nés en Grèce... Ce vote du peuple a une plus grande signification que le vote d’un parlement soumis à l’exécutif, faisant ici référence au processus de ratification du TSCG (pacte budgétaire européen), lequel a été ratifié en France en 2012 par voie parlementaire, plutôt que par référendum – afin d’éviter les mêmes déconvenues que celles rencontrées pour le Traité de Lisbonne en 2005. Eric Toussaint a dénoncé la trahison par le président François Hollande et sa majorité parlementaire des engagements pris à l’égard des citoyens et citoyennes qui l’ont élu en mai 2012 dans l’espoir notamment de voir rejeter le TSCG.
Eric Toussaint a souligné par ailleurs que la Troïka n’a aucune légitimité, puisqu’elle n’a pas été formée par un corps constitutionnel. En outre, le peuple grec n’a pas été consulté sur les emprunts qui lui ont été imposés : lorsque Georges Papandréou, premier ministre d’alors, a annoncé fin 2011 la tenue d’un référendum en février 2012 sur le programme à venir « de soutien » à la Grèce, il s’est heurté à un refus catégorique des puissances européennes et du FMI. (...)
Éric Toussaint : « Tant que les créanciers feront des prêts qui violent les droits fondamentaux des peuples, ils doivent s’attendre à ne pas être remboursés » (...)
Au bout du compte, cette émission de Frédéric Taddéi a permis de remettre en question le discours dominant sur la Grèce,en démontant le discours des journalistes présents, auxquels Eric Toussaint rappelait qu’ils appartiennent à une ’élite’ coupée des réalités sociales, mais fort proches des dominants de la Troïka et des banques. Le modèle Mario Draghi, tant loué dans les pages du Monde, a pourtant été directement lié, en tant que responsable de Goldmann-Sachs, à la manipulation des comptes grecs.