
Conformément au souhait du nouveau gouvernement conservateur de “remettre de l’ordre” à Exarcheia, la police a évacué quatre squats de migrants dans ce quartier historiquement fréquenté par des militants de gauche et des anarchistes.
C’était une promesse du nouveau Premier ministre conservateur grec, Kyriakos Mitsotakis : remettre de l’"ordre" à Exarcheia et y faire pénétrer la police régulièrement. À l’aube, lundi 26 août, quatre squats de ce quartier situé au coeur d’Athènes ont été évacués par les forces de l’ordre. Au total, 143 migrants ont été appréhendés parmi lesquels 133 doivent être transférés vers des camps en attendant une réponse à leur demande d’asile. Les 10 autres, des sans-papiers, vont être expulsés, indique la presse locale citant des sources policières.
Dans le groupe, de nombreux enfants ont été dénombrés, 35 en tout, ainsi que 51 femmes et 57 hommes, originaires principalement d’Iran, d’Irak, d’Afghanistan et d’Érythrée. (...)
Exarcheia est un quartier bien connu pour y abriter bon nombre de militants de gauche et de groupes anarchistes, ainsi que des petits dealers de drogues. Les affrontements avec la police y sont réguliers, surtout depuis le meurtre, il y a 11 ans, d’un adolescent tué par un policier qui avait donné lieu à plusieurs jours d’émeutes urbaines.
“Pour nous, c’est avant tout un quartier où la solidarité était et est toujours bien vivante”, souligne E., une militante anarchiste locale, jointe par InfoMigrants. “C’est un lieu sûr pour nos amis sans papiers qui fuient la guerre, un lieu rempli d’espaces d’échange gratuits, de cuisines auto-gérées, d’assemblées, de groupes qui agissent contre l’oppression, le capitalisme et tous ceux qui s’opposent à notre liberté.” (...)
“Au squat, je me sens comme un être humain”
Les premiers squats pour sans-papiers et demandeurs d’asile ont ouvert en 2015, au pic de la crise migratoire, sur initiative des groupes militants du quartier. “Ils n’avaient nulle part où aller. Le gouvernement comme les ONG les laissaient à la rue qu’ils soient des hommes, des femmes, des familles ou encore des réfugiés politiques : tous des survivants de la vie”, explique E. À l’époque, associatifs et agents de l’immigration n’hésitent pas à appeler les squats d’Exarcheia pour leur demander des places d’hébergement pour les cas de migrants les plus urgents. De véritables communautés se constituent. (...)
La descente de police organisée lundi dans les rues Harilaou Trikoupi et Kallidromiou a été menée sur autorisation du parquet d’Athènes, à la suite de plaintes déposées par les propriétaires des bâtiments occupés. Des dizaines de policiers ont quadrillé le quartier et des hélicoptères ont également été mobilisés.
Pour E., cette opération n’est d’aucune utilité et s’apparente plutôt à de la communication politique. “La police est venue pour que les médias propagandistes puissent prendre de bonnes photos. Aucun dealer n’a été arrêté, pas de drogues ou d’armes saisies… c’est normal : il n’y en a pas !”, lance-t-elle pour contrecarrer la réputation tendancieuse du quartier.
La criminalisation des squats de migrants a commencé sous l’ancien gouvernement. Une vague d’expulsions concernant 300 personnes a notamment été menée début avril simultanément à des opérations anti-drogue. Bien que la plupart des squats d’Exarcheia soient soumis à une politique sans drogue ni alcool, l’amalgame entre expulsions et trafics a souvent été fait dans les médias ou dans les discours des politiques. (...)
Comme pour donner le ton, le ministère de l’Immigration a, d’ailleurs, disparu afin d’être intégré au ministère de la Protection du citoyen dont le ministre, Michalis Chrisochoidis, “est connu pour être un farouche oppresseur des migrants, des sans-abri ou encore des toxicomanes”, commente E.
Une affaire personnelle ?
La pression se fait sentir également à l’échelle locale : le nouveau maire d’Athènes, Costas Bakoyannis, qui a prêté serment dimanche, s’est lui aussi engagé à faire de la sécurité son objectif principal, accusant le précédent gouvernement de "tolérance" face au vandalisme de certains groupes anarchistes. En plus des opérations de police, le maire a annoncé son intention de faire recouvrir les graffitis symboliques d’Exarcheia et d’y améliorer l’éclairage nocturne. Pas besoin d’évacuer les squats pour y parvenir, rétorquent les militants locaux.
Mais l’édile ne compte rien lâcher dans ce qui s’apparente à un véritable bras de fer annoncé. (...)
“Cela fait maintenant deux mois que nous nous préparons : on fait des assemblées, des patrouilles, on organise des actions contre les évacuations afin de soutenir les squats”, affirme E. qui précise que six grands rassemblements ont déjà eu lieu ainsi que des dizaines d’assemblées. Une première manifestation est également prévue ce week-end et une seconde, le 14 septembre.
En parallèle, E. souligne que tout est mis en oeuvre pour soutenir les personnes évacuées. “Nous avons envoyé des avocats, lancé des actions et des opérations de communication. À peine quelques heures après les évacuations, 400 camarades étaient déjà réunis. Ce n’est que le début”, conclut-elle.