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l’humanité
Grèce : « la catastrophe sanitaire s’aggrave »
Article mis en ligne le 26 mai 2015
dernière modification le 25 mai 2015

Du 11 au 16 mai, des membres du collectif « Solidarité France Grèce pour la Santé » sont allés à Athènes, à la rencontre des personnels des dispensaires sociaux et solidaires autogérés. Leurs observations sont alarmantes.

Michèle Montel, responsable CGT chez SANOFi a pu notamment constater « l’état de délabrement du système de santé qui est de plus en plus difficilement pallié par les solidarités intra familiales, qui s’épuisent. C’est bien pire qu’il y a deux ans, précises-t-elle. Comme les personnes sans emploi n’ont pas d’assurance sociale, il y a de gros problèmes, particulièrement au niveau de la santé bucco-dentaire et du fait du manque de vaccins. »

Les hôpitaux sont en faillite : « Nous avons visité Sotiria, hôpital historique et de référence pour les Balkans des maladies respiratoires et de la tuberculose. Il est au bord de l’effondrement. (...)

L’incidence de la tuberculose explose, le taux de suicides augmente et la plupart des cancers ne sont plus soignées. La malaria et la rage sont réapparues.
La surcharge de travail des personnels soignants est énorme et due en partie à la désorganisation des soins primaires. (...)

D’autre part, une violence inouïe s’exerçait sur les patients. Avant l’arrivée au gouvernement de Syriza l’administration demandait par exemple aux femmes enceintes 1000€ par accouchement. A défaut de paiement, il était fait pression sur les membres de la famille et à défaut, intervenait la saisie des biens au domicile. Des familles étaient poussées à la ruine dans les cas où un de leurs membres étaient atteints de maladie chroniques nécessitant une hospitalisation. Il a été fait aussi état de personnes se suicidant à l’annonce d’une maladie grave pour éviter d’être une charge intolérable pour leurs proches. »

Autre problème majeur sur lequel la délégation tient à insister : une demande psychiatrique et psychologique forte de la part des usagers, conséquences directes de la pauvreté et de la précarité. Or Pour des raisons budgétaires et en réponse aux exigences de la Troïka, nombres d’hopitaux psychiatriques ont été fermés ces derniers mois en Grèce, ce qui surcharge encore les hopitaux déjà débordés et pose des problèmes de cohabitation entre les patients. (...)

Personnels et malades collaborent à la survie de l’hôpital, par exemple en vendant le produit de cultures vivrières locales à l’entrée de l’hôpital. Si les mesures imposées par l’Union européenne sont suivies cet hôpital fermera en Juin prochain. Les personnels ont décidés sont organisés pour de résister coûte que coûte. Ils se sont organisés. A terme c’est la disparition quasi-totale des hôpitaux publics de psychiatrie qui est visée par les politiques imposée par l’Union Européenne.
Dans tout ce marasme les personnels encore présents, toute catégories confondues, œuvrent à maintenir des soins diversifiés et de qualité. Comme elles et ils nous l’ont confié alors qu’à une autre époque ils militaient pour une psychiatrie extrahospitalière sectorisé ils sont contraints aujourd’hui à se battre pour sauver leur hôpital, seule condition pour garder leurs maigres moyens. La pédopsychiatrie est réduite à quasi néant et cela demande plus de sept mois pour obtenir un rendez-vous.
En psychiatrie comme ailleurs les patients sont orienté vers le privé lucratif. Des cliniques de haut niveau pour patients solvables, mais dans le cas des patients de psychiatrie il existe aussi des cliniques bas de gamme où l’on peut trouver des situations avec des malades majoritairement sous contention physique (la nuit, une psychiatre, deux soignants pour… 240 patients !). »

Face à la faillite du système de santé, aujourd’hui, une cinquantaine de dispensaires solidaires sociaux ont vu le jour avec la crise et fonctionnent dans toute la Grèce grâce à l’action et au travail de volontaires. Médecins, généralistes ou spécialistes, dentistes, pharmaciens, psychologues et personnels paramédicaux et administratifs s’y impliquent avec le soutien actif des citoyens qui collaborent à ces structures.
« Les témoignages des volontaires militants de ces dispensaires montrent l’importance de l’action collective pour le droit à la santé, pour la dignité de chacune et de chacun. Nous avons aussi observé qu’une majorité de ces dispensaires s’inscrivent également dans une multitude d’actions solidaires sur les déterminants de santé (alimentation, logement, vêtements, culture, éducation...) », précisent les Français qui viennent de rentrer d’Athènes. (...)

Rencontre avec le ministre (Siriza) de la santé

La délégation a également été reçue par le Ministre grec délégué à la Santé, Monsieur Andréas Xanthos ainsi que par le Ministre des affaires sociales et de la santé, Panayotis Kouroublis. A cette occasion Andréas Xanthos, le co-fondateur du premier dispensaire social en Crête Rethymnon en 2008, lui-même médecin hospitalier et actuellement vice-ministre de la santé, leur a fait part de ses inquiétude face à la situation sanitaire, sous-évaluée jusqu’en 2012 par les autorités au pouvoir. Il considère que les pratiques des dispensaires ont permis de mesurer la réalité de la catastrophe sanitaire et Syriza a déjà pris quelques mesures d’urgence dont le rétablissement et l’extension de la couverture maladie, la suppression du forfait hospitalier de 5€, l’accès aux soins primaires gratuits quel que soit la nationalité, le revenu, le statut de l’emploi et la position sociale. Mais la restauration du système de santé prendra du temps, d’autant que les instances européennes tentent de bloquer toutes ces réformes sociales au profit d’un remboursement rapide de la « dette » grecque. « Le temps est un enjeu crucial », leur a précisé Andréas Xanthos, qui déplore le cynisme de Bruxelles face au danger mortel que courent des milliers d’enfants et des personnes âgées grecs faute de soins adaptés.

Il s’agit aujourd’hui de créer un rapport de force européen sur la question du médicament face à la puissance des multinationales de l’industrie pharmaceutique. (...)

« Tous les peuples d’Europe sont concernés. La Grèce est un test pour l’Europe libérale . Agir partout, se rassembler dans une lutte coordonnée et solidaire contre une austérité décrété par des politiques qui agissent contre l’intérêt des peuples est incontournable. Contre les politiques nationales qui y concourent et contre les injonctions de l’Europe financière, pour revendiquer la construction d’un Europe sociale.
Nous sommes tous revenus avec une foule d’informations à transmettre, des compétences à rassembler, des liens à faire vivre, des actions à mettre en œuvre. » conclut Danièle Montel.