Les négociations sur le troisième mémorandum ont débuté ce mardi à Athènes entre le gouvernement grec et ses créanciers. Mais la logique du plan dessinée le 13 juillet apparaît déjà comme caduque en raison de l’effondrement de l’économie grecque.
Les discussions entre le gouvernement grec et ses créanciers commencent ce mardi 4 août. Au menu : le programme de privatisation et la recapitalisation des banques. Le gouvernement grec semble désireux d’aller assez vite. Selon sa porte-parole Olga Gerovasili, la rédaction du futur troisième mémorandum devrait débuter mercredi et être achevé avant le 18 août, date à laquelle il devrait être soumis au parlement. Cette date sera le dernier délai possible pour pouvoir débloquer un nouveau prêt d’urgence de l’UE qui permettra à la Grèce de rembourser les 3,2 milliards d’euros qu’elle doit le 20 août à la BCE. Il faut donc aller vite.
Situation économique catastrophique
Or, rien n’est simple. Car un nouvel élément vient désormais rendre les négociations encore plus périlleuses. La situation économique grecque est désormais clairement catastrophique. L’indice PMI d’activité manufacturière pour juillet est passé de 46,9 à 30,2, un niveau dramatiquement faible qui annonce une forte récession.
La fermeture des banques, le contrôle des capitaux et lle quasi-isolement du pays du reste de la zone euro, conséquence du gel le 28 juin des liquidités d’urgence accordées par la BCE au système financier grec sont autant de raisons de cet effondrement.
Selon une étude de l’association des PME grecques, les pertes de recettes de ces dernières ont atteint 48 % durant les trois premières semaines de juillet. Près d’un tiers des PME interrogées ont vu leurs recettes reculer de plus de 70 %.
La consommation a été réduite de moitié. Le pire demeure que cette situation risque de ne pas être simplement temporaire.
Les banques encore sous pression
Ce mois de juillet risque en effet de peser lourd durablement. (...)
il y a un risque certain que la dégradation conjoncturelle continue à alimenter la crainte d’une ponction sur les dépôts, alimentant ainsi les retraits et donc les besoins de recapitalisation... Bref, l’option d’un scénario « à la chypriote », devenu officiel avec l’union bancaire européenne, va faire peser un risque non seulement sur les banques grecques, mais sur la conjoncture grecque. La Grèce va rester durablement une économie de « cash » et une économie dominée par la peur. La recapitalisation des banques ne pourra, au mieux, que freiner le phénomène, pas l’inverser.
De nouvelles exigences inévitables des créanciers
Mais, même sans scénario « à la chypriote », l’augmentation certaine du besoin de recapitalisation des banques grecques va naturellement aiguiser les appétits de privatisation des créanciers afin de venir couvrir le prêt du MES. Le gouvernement grec n’échappera pas à une finalisation rapide des ventes en cours (les aéroports régionaux, convoités par l’allemands Fraport, le Port du Pirée, lorgné par un groupe chinois ou encore l’ancien aéroport d’Athènes d’Elliniko, objet d’un vaste et ambitieux projet immobilier), mais les créanciers vont sans doute exiger le lancement accéléré de nouvelles privatisations (...)
Compte tenu de la situation, Athènes n’est guère en mesure de discuter. Mais la dégradation de la conjoncture va encore réduire la valeur des biens vendus. Et donc, immanquablement, il faudra prévoir où trouver d’autres sources de revenus pour le « fonds indépendant. » La réponse sera soit de nouvelles ventes bradées, soit de nouvelles taxes. Deux mauvaises solutions, évidemment. La logique de l’accord du 13 juillet est donc déjà en difficulté et les négociateurs ne manqueront pas de s’apercevoir rapidement qu’ils discutent sur des hypothèses erronées.
Une économie sous pression
En réalité, tout dépendra de l’évolution conjoncturelle du pays. Mais les perspectives sont sombres. (...)
Objectifs caducs et aveuglement des créanciers
D’ores et déjà tout est en place pour que le scénario des années 2010-2014 se reproduise. Comme le souligne Eric Dor, les objectifs fixés par les créanciers en termes d’excédent budgétaire primaire (hors service de la dette) de 1 % du PIB cette année et de 2 % l’an prochain sont absolument caducs. La contraction du PIB rend les recettes moins fortes et les dépenses plus élevées. C’est l’effet multiplicateur qui a été et est encore sous-estimé par les créanciers de la Grèce qui n’y voient qu’une stratégie pour éviter de réduire les dépenses publiques. Et comme les créanciers ne croient pas à cet effet, ils verront dans la non-réalisation des objectifs de la Grèce de la mauvaise volonté et réclameront de « nouveaux efforts » qui conduiront à de nouveaux effets négatifs. (...)
Un plan politique, punitif et ignorant les erreurs du passé
Compte tenu de la situation macro-économique de la Grèce, le plan imposé par les créanciers semble donc d’ores et déjà voué à l’échec. Certes, les 35 milliards d’euros européens viendront en atténuer les effets négatifs dans des proportions inconnues, mais le risque majeur est celui d’une spirale négative s’autoalimentant. L’idée d’une rapide correction après la conclusion du mémorandum semble exclue. Le contrôle des capitaux, l’état des banques et l’austérité rendent ce scénario peu probable. En réalité, ce plan apparaît plus que jamais pour ce qu’il est : une décision politique, punitive, loin de toute réalité économique, ignorant les erreurs du passé. Les négociations hâtives qui vont construire le troisième mémorandum ne sauraient corriger ces défauts structurels. On comprend les hésitations du FMI à participer à un tel plan.
Que peut Alexis Tsipras ?
Dans ces conditions, que peut espérer le gouvernement d’Alexis Tsipras dans sa nouvelle logique « coopérative » ? Le temps réduit de la négociation, l’état de l’économie et ses besoins pressants de financement ne lui laissent guère de marge de manœuvre dans l’immédiat. (...)
Rappelons que la restructuration de 2012 a été rendue inutile par la même politique exigée par ce troisième plan aujourd’hui. Plus que jamais, les créanciers jouent d’abord contre eux-mêmes en jouant contre la Grèce.