
Tout oppose le rouleau compresseur des aménageurs de territoire au fragile équilibre des milieux naturels. Lors des quatrièmes Assises nationales de la biodiversité les 23 et 24 juin à Montpellier, les bonimenteurs de l’ingénierie écologique ont tenté de muer bétonneurs en sauveurs des petites bêtes…
Au début, on peine à y croire. Bouygues, Veolia, GDF Suez sous la bannière de la biodiversité ? Un coup d’œil au programme des Quatrièmes Assises nationales de la biodiversité de Montpellier des 23 et 24 juin 2014 confirme le ravalement des devantures des aménageurs de territoire. Exit les records de pollution, destructions de milieux naturels ou édifications carcérales, il est désormais de coutume de mettre la chose environnementale à leur crédit. Biotope, « l’entreprise de l’écologie » (sic) dont les compensations [1] aéroportuaires n’ont pas fini de faire parler d’elles, ou encore d’obscures entreprises de communication en développement durable seront aussi de la partie, histoire de parler nature et stratégie marketing… Et pour choisir les bons tons de couleur verte, quelques associations ou chercheurs sont également présents. (...)
Soudain, un économiste crie à l’existence d’un « lobby contre la fiscalité, le paiement des services écosystémiques ». La nature est une valeur, il faut la considérer comme telle à l’image des autres valeurs marchandes, afin que « la France ne prenne pas de retard » dans la grande compétition internationale… A ses côtés, les épiciers de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) approuvent : pour protéger la nature il suffit de lui donner une valeur économique supérieure aux projets qui la menaceraient. Si la préservation de la biodiversité revêt une valeur supérieure à, par exemple, un projet immobilier, il devient plus intéressant, économiquement parlant, de parier sur du capital écologique (via des banques d’actifs naturels telle la CDC) que sur du lotissement. La zone est mise en défense, vendue pour ce qu’elle capitalise en biodiversité, et le lotisseur devient le financier vert que l’on n’osait espérer…
Mais parfois, la grossièreté des raisonnements et l’esbroufe des communicants en environnement laissent percevoir le vide intellectuel de l’ingénierie écologique. Réunie autour des mesures de compensation du contournement ferroviaire Nîmes-Montpellier, une tripotée d’experts et de conseillers d’Oc’via [3] devisent sur le bien-fondé des actions engagées, sans un mot sur les impacts écologiques occasionnés. En l’occurrence, les mesures engagées visent essentiellement à recréer des milieux favorables à un oiseau peu commun, l’outarde canepetière, en finançant les agriculteurs pour le développement de pratiques culturales conformes au bien-être dudit volatile. Devant les gargarismes des instances agricoles, ravies d’avoir trouvé un substitut financier à la production viticole par la production d’outarde, des voix peu consensuelles jettent le trouble parmi ces jardiniers agrestes. Un intervenant impliqué dans la lutte à Notre-Dame-des-Landes (NDDL) – où Biotope, parmi d’autres promoteurs, est impliqué comme faire-valoir de Vinci –, met en avant le fait que « les écosystèmes sont particulièrement complexes et que les mesures compensatoires ne répondent pas à cette complexité ». Le directeur technique de Biotope blêmit à l’évocation de leur déroute au nord de la Loire. Aussitôt le « Monsieur environnement » d’Oc’via lui vient en aide (...)
« Science écologique sans conscience environnementale n’est que ruine de l’âme », écrivaient les « Naturalistes en lutte » depuis le bocage nantais. Gageons que d’autres pourfendeurs de l’aménagement du territoire amèneront cet adage au fond des réservoirs des pelleteuses et au fronton de ces boutiquiers de la nature !