
Au moment où nous écrivons, les avions d’une « coalition » bombardent les positions militaires du colonel Kadhafi. Quoi que l’on pense de cette guerre, force est de constater qu’elle fait l’objet d’un traitement médiatique digne du journalisme de guerre le plus exécrable. Les observations que nous rapportons ici ont été effectuées avant le début des bombardements. Et elles sont déjà annonciatrices du pire…
Lorsque l’éventualité d’une guerre s’est précisée, la plupart des grands médias ont manifesté un certain empressement. Cette hâte était-elle dictée par la conviction qu’il fallait venir au secours de populations civiles et qu’il n’y avait pas d’autre solution que la guerre ? Ce serait une prise de position à présenter comme telle. Mais, contrastant avec la gravité des responsables qui ont décidé cette guerre, l’impatience des impatients revêt des formes passablement malsaines, comme si une guerre n’était pas avant tout une guerre !(...)
Cette impatience peut difficilement se prévaloir de visées exclusivement « humanitaires ». Elle traduit aussi une toute autre préoccupation : être le premier sur le coup. Concurrence journalistique ou compétition commerciale ? La seconde est loin d’être absente, car la guerre, c’est vendeur. (...)
Thomas Legrand, comme la plupart de ses confrères, « oublie » commodément de rappeler que quelques pays mineurs, périphériques et peu influents, n’ont pas voté la résolution de l’ONU, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Allemagne… Mais tout ceci n’est qu’un détail car, comme on nous le répète jusqu’à l’usure, le Qatar a proposé de participer à l’intervention, et on ne va tout de même pas perdre du temps avec ceux qui veulent gâcher la fête. (...)
Quant aux raisons, bonnes ou mauvaises, qui ont conduit certains États « amis », comme l’Allemagne, à refuser de soutenir l’expédition militaire, elles sont balayées d’un revers de manche d’uniforme(...)
C’est une évidence, surtout depuis que les hostilités ont débuté : nos chers médias exaltent leur fierté d’être français.(...)
De l’exaltation de la guerre au chauvinisme le plus franchouillard, en passant par les pitreries de journalistes qui rêveraient d’être des GI, le traitement médiatique des prémisses de l’expédition militaire contre la Libye nous rappelle cruellement que l’information est, souvent, parmi les premières victimes de la guerre. Et ce n’est, malheureusement, qu’un début.