
Trois salariées d’une société de nettoyage, sous-traitante de la SNCF, ont décidé de porter plainte pour harcèlement sexuel et moral contre leur supérieur hiérarchique. Elles racontent être embrassées contre leur gré, subir des attouchements et des insultes. Mais depuis qu’elles ont parlé, leurs conditions de travail se sont dégradées et les vexations se poursuivent. La direction de l’entreprise demeure silencieuse, assurant qu’une enquête interne est en cours. Un éventuel procès ne se déroulera pas avant des mois...
(...) « Depuis qu’on a parlé, nos chefs d’équipe nous donnent les pires choses à faire : les trains les plus sales, les quais les plus éloignés. Ils nous demandent même de nettoyer les locaux du personnel, alors que cela ne fait pas partie de notre contrat. » Karima, Houria et Bahia sont salariées de la société de nettoyage H.Reinier, une filiale du groupe Onet, sous-traitant de la SNCF. Elles travaillent à la gare du Nord à Paris, où elles nettoient les wagons et l’intérieur des rames des TGV, Thalys et Eurostar. (...)
Épaulées par l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), elles ont finalement déposé plainte, pour harcèlement sexuel et moral, le 12 décembre dernier. (...)
Alertée par les plaignantes, puis par la presse [1], la direction se dit « très préoccupée » par cette affaire. Sollicitée à plusieurs reprises par Basta !, la filiale du groupe, qui porte le nom de son principal actionnaire, la famille de Louis Reinier (160ème fortune française) [2], a refusé de s’exprimer sur le dossier. Nous renvoyant à un communiqué publié le 9 janvier 2013, dans lequel elle assure « avoir pris les mesures de prévention nécessaires à la sécurité et à l’intégrité de ses salariés ».
Mais sur les quais de la gare du Nord, les salariées qui ont dénoncé les violences sont sur le qui-vive. Et continuent de travailler sous les ordres de supérieurs qui soutiennent l’homme qu’elles accusent de harcèlement. (...)
Plusieurs membres de l’entreprise évoquent par ailleurs des mises à l’écart de personnes soutenant les plaignantes. « J’ai été licencié pour faute grave, ce qui est totalement faux. La vraie raison c’est que je défendais les victimes », affirme ainsi un ancien salarié. (...)
Refusant de changer de lieu de travail, comme le lui proposait sa direction pour la « protéger », la principale plaignante a elle aussi été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction. « Pour me rendre sur le chantier qu’ils me proposaient, j’aurai dû multiplier par deux mon temps de transport » s’indigne-t-elle. Accompagnée par une dizaine de cheminots de Sud Rail lors de cet entretien, elle en est finalement ressortie sans sanction. Au quotidien, sur la gare du Nord, la présence de ces syndicalistes aguerris rassure les plaignantes. Mais l’ambiance reste très dure. (...)
Pour justifier l’absence de mesures, ne serait-ce que préventives, pour protéger les plaignantes, la direction avance que l’enquête interne « se poursuit ». De même que l’instruction judiciaire. Mais celle-ci risque de durer des mois, si ce n’est des années. A moins que le dossier ne soit classé, comme le prévoit la défense. « Les collègues qui nous humilient vont-ils rester en place tout ce temps ? C’est impossible. C’est trop dur pour nous », confie Bahia, la voix tremblante. « C’est vrai, reprend Karima. C’est tellement injuste que quand on arrive au travail, on a l’impression de quitter la France. »