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Hebdo du Club #46 : témoigner
Article mis en ligne le 16 février 2019

Du procès Baupin au déferlement « ligue du lol » en passant par les multiples récits individuels que recueille le Club, un seul acte relie ces expériences : le témoignage. Le « je » sera donc à l’honneur cette semaine dans l’Hebdo du club, et notamment des voix de femmes. Éloge de la valeur politique du témoignage.

« Demain, j’irai témoigner devant la 17ème chambre du Tribunal de grande instance », écrivait Cécile Duflot dans le Club le 6 février. Par cette formule, l’ancienne ministre et actuelle directrice générale d’Oxfam France exprimait plus qu’un simple rendez-vous. Avec sa valeur d’avertissement, sa part de solennité, l’annonce de Cécile Duflot suggérait que le moment serait politique.

Et il l’a été. Enchâssée par deux événements — la fin du procès Baupin et le phénomène « Ligue du lol » —, cette semaine a acté la mort d’un certain silence, celui d’avant les témoignages. Rétablir une vérité ou réparer une injustice, faire émerger des drames jusqu’ici occultés, mais aussi donner à une idée l’épaisseur de l’expérience, ou conter sa condition pour décentrer le regard des autres : dans tous ses aspects, le témoignage est intensément politique, aussi notre hebdo en fera-t-il l’éloge.

Notion parfois galvaudée que se partagent le domaine judiciaire et le champ journalistique, le témoignage montre une vitalité que l’actualité des luttes féministes prouve. L’engagement de Cécile Duflot transparaît dans une belle formule : « tenir parole ». On peut y lire un discret double sens : d’une part, la promesse faite aux autres victimes de Denis Baupin d’être là pour faire foi, et d’autre part, plus littéralement, de sortir du silence, car chaque parole compte. Chez elle, le témoignage prend aussi le sens d’une confession. Reconnaissant avoir longtemps « tenu à distance » la vérité, elle admet avoir elle-même contribué à l’omerta par déni. Femme émancipée, elle est aussi « une femme prise dans les rets du sexisme ». Ce fut la force de son passage à la barre : au récit, en public pour la première fois, de l’agression qu’elle a elle-même subie, s’ajoutait l’aveu du regret et l’autocritique. (...)

Quelques jours plus tard éclatait l’affaire « Ligue du lol », cadencée par un afflux de témoignages de féministes dont les carrières et les vies avaient été souvent érodées par le harcèlement masculiniste. Le Club de Mediapart n’est pas encore, loin s’en faut, un gang féministe – à mon grand regret – mais il a vu éclore quelques billets importants sur le sujet. « Je ne compte plus les occasions de parler où j’ai choisi de me taire », relate Moana Genevey dans un texte salutaire (« Ils ont voulu réduire les femmes au silence »). (...)

C’est par le bâillonnement que le cyberharcèlement du groupuscule, par son travail méthodique, a assis une domination brutale.

Et il y a encore du pain sur la planche, à en croire certains commentaires. (...)

Comparaître, faire foi ou donner corps : témoigner, c’est aussi tenir un discours de vérité (salutaire lorsque les médias « ne cherchent plus la vérité »…). Notamment dans le domaine judiciaire, présent dans le Club cette semaine avec un passionnant témoignage d’avocat (« La grimace »), la victoire judiciaire pour les opposants à la Montagne d’Or et à l’extractivisme en Guyane, ou encore la rectification importante de Martine Orange dans son billet « Affaire Kerviel : Mediapart a bien gagné ses procès face à la SG et son ex-pdg ».

Témoignez

Notre hebdo n’est finalement rien d’autre qu’une invitation, pour tous et toutes, à témoigner. Nous avons récemment eu la preuve, notamment, que la parole des femmes est décisive (et notre Club, c’est l’anti « boy’s club »). Sans avoir la valeur d’une preuve ou la saveur de la fiction, le témoignage, avec son statut hybride, est une finalité en soi. Et à en croire les réactions enthousiastes de nos lecteurs et contributeurs à chacun de ces récits individuels, il aura toujours du public, parce qu’il suscite une saine curiosité, et qu’il a le prestige d’un acte politique.