
Le gouvernement a indiqué qu’il allait mettre en œuvre la « désocialisation » des heures supplémentaires. Cette promesse du candidat Macron rappelle évidemment la défiscalisation des heures supplémentaires mise en œuvre durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy (2007-2012). L’ancien président avait exonéré de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu ces heures travaillées au-delà de la durée légale du travail, c’est-à-dire 35 heures. A peine élu, le président François Hollande était revenu sur cette mesure, symbole du précédent quinquennat.
Quelles peuvent-être les conséquences de la mise en place de l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires ?
Faciliter le recours aux heures supplémentaires revient à augmenter la durée du temps de travail des personnes en emploi. D’un point de vue conjoncturel, il peut être positif d’augmenter cette durée quand le pays est proche du niveau de chômage structurel1. Mais à l’inverse, si ce niveau n’est pas atteint, augmenter la durée du temps de travail peut avoir des effets nuisibles sur les créations d’emplois (...)
Selon nos projections, [cette mesure] pourrait détruire près de 19 000 emplois d’ici à 2022(...)
L’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires a un coût annuel que nous estimons à 3 milliards d’euros. Si le gouvernement laisse filer le déficit, alors effectivement ce sera autant de gagné pour le pouvoir d’achat de ceux qui font des heures supplémentaires. Mais si l’exécutif ne laisse pas filer le déficit, comme il s’y est engagé, alors il faudra bien un nouveau prélèvement pour compenser cette baisse de recettes. Dans ce cas, ceux qui ne font pas d’heures supplémentaires paieront pour ceux qui en font, et donc seront perdants
Quelle vision du marché du travail cette annonce traduit-elle ? (...)
Une vision se rapprochant du « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy, avec la volonté de redonner du pouvoir d’achat à ceux qui travaillent. Mais, là encore, tout le monde ne fait pas d’heures supplémentaires. D’autant que ce n’est pas le salarié qui choisit, mais l’entreprise qui lui donne, ou non, la possibilité d’en faire. Donc seuls ceux qui ont cette chance pourront bénéficier de gains de revenus. (...)
La désocialisation des heures supplémentaires pourrait-elle accentuer certaines inégalités sur le marché du travail ?
Pour réaliser des heures supplémentaires, il faut être à temps complet, sinon ce sont des heures complémentaires. Donc faciliter les heures supplémentaires, en les exonérant de cotisations sociales, peut accentuer la dualité du marché du travail entre ceux à temps complet et ceux à temps partiel. D’où un risque de creusement des inégalités entre hommes et femmes, par exemple (les secondes étant beaucoup plus souvent à temps partiel que les premiers), mais également entre les salariés des différents secteurs.
Cette mesure pourrait donc être utile dans une autre conjoncture ?
Oui, elle peut être efficace en matière de créations d’emplois et d’activité quand on est proche du chômage structurel. Lorsque le candidat Nicolas Sarkozy a envisagé cette mesure, le chômage était autour de 7 %, ce n’était donc pas du tout absurde. Mais elle a été mise en place pendant la plus grande crise économique depuis 1929 ! Résultat : elle a eu un fort effet contre-productif en favorisant la hausse du chômage et en creusant le déficit des finances publiques.
Cette politique n’est donc pas mauvaise en soi, mais elle doit être mise en œuvre dans un contexte économique favorable.