
Jeudi 6 décembre, la police est intervenue dans de nombreux lycées mobilisés dans le cadre d’un vaste mouvement national lycéen concernant plus de 300 établissements. Bilan : plus de 700 interpellations de lycéens dans toute la France et de nombreux blessés. Dans un lycée de Mantes-la-Jolie, les policiers ont procédé à une interpellation collective de 148 lycéens. Les humiliations subies par les lycéens ont été documentées par plusieurs vidéos montrant les lycéens en ligne contre un mur, agenouillés avec les mains derrière le dos ou derrière la tête.
si de nombreux journalistes se sont émus de ces comportements policiers, d’autres les ont parfois démentis ou encore relativisés. Il s’en est même trouvé, parmi les sommités de la profession, pour les approuver et les justifier. (...)
plateau matinal d’Audrey Crespo-Mara sur LCI rassemblant, entre autres invités, Nadine Morano députée européenne LR, le secrétaire général d’Alternative Police CFDT, Franz-Olivier Giesbert, un gilet jaune, ou encore un lycéen, vice-président de la FIDL. De brefs extraits de l’interpellation sont diffusés, suivis immédiatement par le commentaire du ministre de l’intérieur qui décrit « une procédure classique » dans le cadre de « violences urbaines ». Lorsque le lycéen prend la parole pour dénoncer ce discours et la répression policière des mobilisations lycéennes, il est pris à partie à plusieurs reprises par l’ensemble des intervenants, et en particulier par Franz-Olivier Giesbert, comme en témoignent ses propos tout en finesse :
- Arrêtez, il y a pas de blessés là, il y a pas de blessés ! Ils auraient pu être massacrés, il n’y a pas de blessés ! C’est pas parce que c’est des lycéens qu’ils ont le droit de faire n’importe quoi !
- Vous foutez le feu, ça sert à quoi de foutre le feu ? En quoi ça fait avancer vos revendications ?
- Il y a beaucoup de lycéens aussi qui veulent rentrer dans l’établissement pour suivre les cours, et qui ne peuvent pas rentrer parce qu’il y a les blocages ! Ça c’est la réalité ! Où est la démocratie ? Ils veulent travailler ! Ils veulent passer le bac !
- Comme la CGT vous faites pareil ! Vous êtes des vieux ! Vous êtes des vieux ! [rires de Nadine Morano] Vous êtes vieux dans votre tête ! L’ancien monde… l’ancien monde…
L’intervention de Thierry Moreau, chroniqueur médias de LCI et ex-chroniqueur dans l’émission de Cyril Hanouna, est à l’avenant :
Là, ça a pacifié la situation, de prendre cette décision, secure, en mettant les gens à terre, pendant un temps, le temps d’y voir clair. C’est une façon de sécuriser tout ça.
Un indicateur de l’ambiance du plateau, largement acquis au représentant de la police qui a l’occasion de s’expliquer pendant de longues minutes, alors que Nadine Morano moque « les gavroches de la République » et se réjouit de voir les lycéens interpellés plutôt « qu’il y ait des morts ». Le plateau se transforme en véritable calvaire pour le représentant lycéen, seul contre tous, et devient rapidement un tribunal pour lycéens interpellés.
BFM-TV n’est pas en reste. Christophe Barbier, sur le plateau matinal de la chaîne, adresse un satisfecit à l’action des policiers : « On interpelle, on neutralise tout de suite, on ne laisse pas les lycées trop occupés, on ne laisse pas les mouvements lycéens se zadifier [sic] » s’enthousiasme l’adjudant éditorialiste. Et de justifier les images des lycéens brimés (...)
« Ce qui s’est passé, c’est tout à fait normal, et c’est même pour protéger les lycéens qu’il faut comme ça les traiter ». (...)
si les médias dominants surexposent les violences des manifestants, les images de violences policières sont diffusées au compte-goutte. Et quand ces dernières circulent, certains éditorialistes se liguent en plateau pour les minimiser, voire pour en retourner l’interprétation en faveur… de la police. Un journalisme de préfecture qui prend ces derniers temps des accents orwelliens : dans le monde des éditorialistes de « la presse libre » [3] : réprimer, c’est protéger.
Sur Twitter :
Les 151 lycéen·ne·s mis en rang à genoux, mains sur la tête, filmé·e·s par des policiers à Mantes-la-Jolie en décembre 2018, ça vous dit quelque chose ?
Eh bien l’enquête de l’IGPN vient d’être classée sans suite. Une décision qui “n’a pas de sens”, selon l’avocat des familles. https://t.co/ldVoPp55yQ