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Iceberg, voile et jambon : à propos d’un éditorial de Charlie Hebdo
Article mis en ligne le 2 mai 2016

Dans l’édition du 30 mars 2016 de Charlie Hebdo, Riss nous a livré un édito résolument essentialisant et islamophobe. Un édito dont les médias (français) n’ont pas parlé, ou à peine. Les médias étrangers seront plus réactifs [1] – au point que le traducteur en anglais de l’édito en question s’est fendu d’une (consternante) « Mise au point » dans le Charlie Hebdo du 13 avril, s’étonnant que « le monde anglophone a[it] encore explosé dans un accès de rage contre Charlie », et jugeant « étrange » cette « réaction à un papier sur le recul de la laïcité »… Pire, les quelques recensions repérées en France sont plutôt élogieuses. Ainsi, Adeline François, responsable de la revue de presse de RTL, a twitté ceci : « Vous avez le droit de ne pas aimer la une de Charlie Hebdo, mais vous avez le devoir d’y lire l’édito de Riss. » Et sur France inter, l’édito est résumé, sans autre commentaire qu’une remarque introductive indiquant que Riss n’est pas le plus mal placé pour parler du terrorisme – une affirmation déjà curieuse en elle-même, qui consiste à conférer aux victimes une lucidité particulière sur leurs bourreaux, mais qui se révèle à la fois stupéfiante et inquiétante à la lecture de l’éditorial en question.

Revenant, après l’attentat du 7 janvier 2015, sur les relations tumultueuses entre « Charlie Hebdo et nous », nous terminions en disant : « Désormais, nous relirons Charlie Hebdo… et, le cas échéant, nous le critiquerons. » Mais si le « démontage » qui suit vise à démontrer et dénoncer les procédés et l’absurdité du texte signé par Riss, la question ici n’est pas vraiment Charlie Hebdo, et encore moins Riss lui-même. La question posée est celle d’un système médiatique qui peut laisser passer – et même recommander – un tel éditorial sans sourciller, sans aucunement s’inquiéter de toutes celles et tous ceux qui y sont ouvertement diffamés, accusés – et même jugés « coupables » – de complicité avec le terrorisme. Ou de la banalisation de l’abjection…

Ça commence en douceur, mais ne craignez rien, ça va aller crescendo. (...)

On a beau tourner la chose dans tous les sens, cet éditorial n’est pas qu’un tissu d’âneries (dont on pourrait aisément s’accommoder : à Charlie, c’est une vieille tradition) : il revient purement et simplement à affirmer que tout musulman pratiquant est un terroriste ou un criminel (même pas en puissance). De quel « travail de sape », pour reprendre le vocabulaire de Riss, ce genre de considérations peuvent-elles participer ?