
Ce lundi 6 mars 2017 s’ouvrira, pour cinq jours le procès en Appel du policier Damien Saboundjian, qui a tué Amine Bentounsi le 21 avril 2012, d’une balle dans le dos. En guise d’appel à venir soutenir les proches de la victime lors des audiences, nous reproduisons l’entretien réalisé par le Collectif Angles Morts il y a un peu plus d’un an pour le livre collectif Permis de tuer, consacré à la lutte contre l’impunité des homicides policiers. Dans cet entretien, Amal Bentounsi, en compagnie de Nordine Iznasni, militant historique du MIB, et de Mogniss H. Abdallah, fondateur de l’agence Im’media, revient sur ces deux années de douleur qu’elle a transformées en détermination et en luttes, avec la combativité qui lui est propre.
Le 21 avril 2012, Amine Bentounsi, vingt-neuf ans, est abattu d’une balle dans le dos à Noisy-le-Sec. Amine était visé par un mandat d’arrêt, émis en juillet 2010. Il n’avait pas réintégré la prison de Châteaudun après une permission. Avant cela, Amine était détenu dans une prison de la région parisienne où il s’était fait tabasser par des matons. Sa sœur Amal avait alors organisé une manifestation devant la prison. En représailles, l’Administration pénitentiaire avait transféré Amine. Selon Amal, « Amine avait été tout simplement broyé par le système carcéral. Depuis sa tendre enfance et jusqu’à la fin de sa vie ». En 1996, Amine était le plus jeune prisonnier de France, incarcéré pour la première fois à treize ans. Sa sœur résume :
« Mon petit frère a été assassiné deux fois : une fois à treize ans ; la seconde fois, physiquement, par un policier . » (...)
Une nouvelle fois, la question de la légitime défense est au cœur de cette affaire. Et dans les médias, l’« état de nécessité », la « légitime panique » comme l’appelaient certains en parlant du policier Pascal Hiblot qui avait abattu Youssef Khaïf d’une balle dans la nuque en 1991, refait son apparition :
« Le policier aurait tiré, pris de panique à l’idée d’être tué », peut-on ainsi lire dans Le Parisien. L’expertise balistique et les témoignages allant tous dans le sens d’une balle dans le dos, la justification de la légitime défense doit donc être cherchée dans le « profil » de la victime et dans la peur et le traumatisme du policier.
Cette inversion des rôles est systématique dans les affaires de crimes policiers et semble désormais faire partie du sens commun médiatique et politique, contre toutes les évidences. Ce qu’Amal résume en disant :
« Il y a deux catégories de personnes : d’un côté les policiers surprotégés et de l’autre des jeunes de quartier et des immigrés qui se font tirer dessus ou sont brutalisés sans que rien ne se passe. » (...)
Amal Bentounsi : Il faut créer un véritable rapport de forces. On connaît la puissance des médias, l’impact qu’ils peuvent avoir en termes de sensibilisation. Ce qui est important, c’est de sensibiliser les gens. Quand on dit : « Urgence notre police assassine », les termes sont assez violents, mais c’est fait exprès. Dans les médias dominants, les journalistes ont toujours le monopole des explications. Eux travaillent directement avec les syndicats policiers. Il faut réussir à renverser la balance, c’est-à-dire avoir des contacts avec les journalistes dans la durée. Pour cela, il faut mener des actions, pas uniquement des manifestations. (...) Même si j’ai envie de croire que certains magistrats veulent faire leur travail correctement, quand ils ont envie de le faire, pour la plupart, ils ne le peuvent pas. Il faut dénoncer l’impunité, il faut dénoncer ce système, et que les pouvoirs publics l’entendent. Maintenant, on sait comment ça fonctionne. Ça fait des années que ça fonctionne de la même manière.
Avant, on n’avait pas les réseaux sociaux, on ne se rend pas assez compte de leur puissance. Il faut savoir les utiliser, tout comme les médias dominants. Ce qu’il faudrait aujourd’hui, quand il y a ce genre d’affaires, c’est que les journalistes s’adressent à un collectif ou à une personne bien précise pour avoir un autre point de vue. En tant que collectif, il faut aussi savoir réagir à l’actualité. Ce sont des stratégies qu’il faut intégrer, parce que, de leur côté, ils fonctionnent ainsi, c’est le pouvoir de la communication. (...)