
Le mensuel Terra Eco, spécialisé dans les questions d’écologie et d’environnement, est né en 2004, à Nantes. La rédaction, qui comptait quinze journalistes permanents, a dû cesser son activité le 30 mars, faute de financement. Nous faisons le point sur cette triste nouvelle avec Walter Bouvais, un des animateurs de cette aventure.
Reporterre — Quel bilan tirez-vous des douze années de l’aventure Terra Eco ?
Walter Bouvais — Au cours de ces douze années où nous avons porté notre message sur l’écologie et l’environnement, les choses ont beaucoup changé. Quand nous avons commencé, en 2004, nous nous sentions assez isolés. Le constat de la crise écologique n’était pas fait. Aujourd’hui, il est de plus en plus partagé. Nous ne sommes plus des Martiens !
Nous l’avons senti au contact de nos interlocuteurs, ceux que nous avons rencontrés dans le cadre de notre travail journalistique mais aussi tous ceux qui ont accompagné la vie du journal. Notre lectorat a augmenté. En parallèle, toute une famille de titres écolos est apparue — dont Reporterre. Elle est vaste, diversifiée, avec des angles d’attaque et des supports différents, et son lectorat s’est multiplié. Ces données concrètes, mesurables, nous donnent le sentiment que la société a évolué.
Pour autant, le passage aux actes n’est certainement pas à la hauteur des enjeux. La mutation de la société est extrêmement lente. J’ai le sentiment que la vitesse à laquelle nos messages se propagent est linéaire, alors que la situation d’urgence écologique empire à vitesse exponentielle.
Cela me laisse triste, avec un sentiment d’inachevé, d’absurdité de devoir quitter le champ médiatique alors que nous devrions être plus forts que jamais. Mais c’est la vie. Nous croyons avoir fait le travail que nous avions à faire, avec nos moyens, nos convictions, nos forces et nos faiblesses. (...)
Nous sentons, de la part de nos lecteurs, une grande réceptivité pour nos messages, une reconnaissance, une sympathie voire une affection très forte. Mais cela n’a pas suffi à atténuer l’âpreté économique de notre aventure. Nous ne sommes pas les seuls : cette situation concerne l’ensemble de la presse d’information générale. Le modèle économique de la presse existe, il repose sur un mélange d’abonnements, de dons, de mécénat — je mettrais la publicité un peu à part. Le problème, c’est qu’il reste difficile de traduire l’intérêt des lecteurs en monnaie sonnante et trébuchante. Il faut que les citoyens accomplissent l’acte, à un moment donné, de consacrer du temps et de l’argent à leurs médias. (...)
La plus grande difficulté se situe au niveau des kiosques. Notre magazine était noyé dans une masse pas possible, alors que les gens fréquentent de moins en moins les marchands de journaux. C’est inefficace. (...)