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Slate.fr
Il faut remercier LCI pour la diffusion du discours d’Éric Zemmour
Claude Askolovitch Journaliste
Article mis en ligne le 3 octobre 2019

Le discours à Marion Maréchal et ses amis a permis à Zemmour de donner sa pleine mesure. Et par LCI, nous n’en avons pas manqué une miette. Après cela, on ne peut plus faire semblant.

Si nous vivons, comme je l’espère, le crépuscule d’Éric Zemmour, nous le devons à LCI et je veux ici, citoyen et journaliste, remercier une télévision que vilipendent des gens de bien, des amis et même un président.

Les gens de bien ont tort : LCI a servi la vérité en montrant la pensée, le verbiage, la saleté d’un homme, et les montrant à tel point qu’on ne peut plus y échapper. Le journalisme n’est pas une politesse ; il éclaire et il nomme. (...)

Si dans un puissant éditorial du Monde, les mots « inspiration fasciste » ont pu être justement écrits à propos de Zemmour –pas seulement écrits, mais acceptés, reçus, admis–, c’est parce que ce fascisme a été exposé, 32 minutes durant, sans métaphore ni édulcoration, sans interprétation possible, par la diffusion du discours de Zemmour à la « convention de la droite » (sic) de Marion Maréchal. (...)

Le Monde affirme que, diffusant sa diatribe, LCI s’en est fait la complice ? J’entends cette colère ; je ne la partage plus. (...)

Zemmour est pris dans une tempête qu’il n’avait jamais connue. Son patron, le directeur du Figaro Alexis Brézet, prend ses distances avec un chroniqueur que son journal traitait jusqu’ici en prophète. Brézet, conservateur de bonne branche, n’en est pas encore à parler de fascisme.

Le Figaro, hélas, a beaucoup accepté et ce grand journal abrite d’autres personnages qui ne devraient pas lui ressembler. Mais à chaque jour suffit sa peine et son rapport de force. Au moins l’hypocrisie ne tient-elle plus.

Sans LCI, j’en suis certain, le Monde aurait su voir le fascisme d’un discours ; aurait-il pu l’exprimer aussi simplement, comme une évidence qui ne se dispute pas ? Sans LCI, j’en suis persuadé, le patron du Figaro n’aurait pas fait un pas vers sa société des journalistes, ses troupes écœurées de ce que l’on avait vu, que l’on savait déjà.

Samedi 28 septembre, je n’ai rien appris de nouveau sur Zemmour. Cela fait un moment que je tiens cet homme en horreur politique et mépris intellectuel, que je l’écris, parfois, quand le besoin me prend. Cela fait des années que cet illuminé ne masque plus rien. (...)

« Il a été si souvent odieux ou ridicule sans que rien ne l’arrête qu’à force, on admettait sa permanence. » (...)

Cette fois, sur 32 minutes haineuses et prétentieuses, nous avons vu Zemmour, et pouvons le revoir à volonté. Il était là, regardez, écoutez, vous qui n’avez pas la patience de lire, vous qui d’un haussement d’épaules refusiez le scandale d’un homme.

Les jeunes Français qui devront se battre pour ne pas être minoritaires sur la terre des ancêtres, l’État français devenu l’instrument du remplacement du peuple français par un autre peuple, une autre civilisation, l’alliance de la djellabah et la kalachnikov, et d’autres remugles de soûlaud politique proférés d’une voix rauque, caverneuse de fin des temps : voilà Zemmour, qu’en faites-vous maintenant ?

On se trompe en reprochant à LCI cette demi-heure vraie. Elle n’a pas fait progresser les idées de Zemmour. Ses supporters n’ont pas attendu une télévision pour le suivre ; ils l’aiment d’atmosphère, d’impression, de fugacités, de fulgurances, d’esthétique parfois, d’un vernis de culture, d’une histoire faussée.

Zemmour donne corps aux plus laides pensées, aux colères les plus rances, aux humiliations que l’on s’invente ou que l’on subit, cela n’est pas nouveau. Le montrer un peu plus, un peu moins, n’y fait rien. Il prospère du racisme et de la tristesse, il ne les invente pas. (...)

On a reproché à la chaîne d’avoir diffusé Zemmour d’un bloc, sans lui opposer de contradiction, et elle-même admet ce reproche. Vaudrait-il mieux faire débattre Zemmour et ne pas diffuser ses discours ?

Je pense exactement le contraire. J’ai parfois, comme remplaçant, joué le rôle du gentil démocrate contre Zemmour, au hasard des absences de Nicolas Domenach, si longtemps son clown blanc de bonne volonté sur iTélé.

Nous n’avons, ni Domenach, ni moi, fait autre chose que lui servir d’otages, de faire-valoir et de cautions. Nos protestations pouvaient réconforter nos amis de cœur ; nous pouvions gagner une joute, comme si tout ceci n’était qu’une dispute de bon aloi.

Mais en réalité, nos doux glapissements empêchaient d’entendre tout ce que Zemmour pouvait dire. L’interrompant, le réfutant, nous bridions ses élans ; sa vilenie était moins nette, dissoute dans le débat. Il restait, en gros, l’idée que ce garçon, bougon et de droite, était un penseur possible, acceptable, excessif par moments mais décent, admis.

Ce que nous avons fait, finalement, acclimater Zemmour dans nos bavardages, était plus dégoûtant que filmer un discours. Nous l’avons tous aidé en l’invitant à table. Il était sur iTélé, chez Ruquier, sur RTL, le même qu’aujourd’hui. On pouvait le savoir ; nos brouillards nous protégeaient. (...)

Le discours à Marion Maréchal et ses amis, flattant son orgueil, a permis à Zemmour de donner sa pleine mesure. Et par LCI, nous n’en avons pas manqué une miette. Après cela, on ne peut plus faire semblant. (...)

Zemmour a tenu un discours d’inspiration fasciste, et si cela vous agrée, assumez. Assumer, tout est là. Il faudra assumer, demain au Figaro, avant d’accueillir comme sainte parole le prochain livre de cet homme, avant même de le conserver comme chroniqueur protégé ; il faudra assumer, sur Paris Première, qu’un fasciste d’inspiration tienne salon en bonne compagnie.

Chacun fera comme il souhaite, Naulleau, Brézet, nous tous. Je préfère, par principe, exclure le fascisme des débats ; on ne fait pas table commune avec des innommables. Il ne s’agit pas de censure. Je souhaite que l’on couvre les livres de Zemmour, que l’on diffuse ses discours, que l’on sache ce qu’il dit, et qu’on le nomme, et qu’on nomme ce qu’on fera désormais de lui. (...)

Il y a eu, ces derniers temps, des comportements journalistiques bien plus problématiques que la diffusion d’un discours : on a traité Zemmour, dans des journaux estimables, sur le mode enjoué, admiratif, de la narration politique ; ses amusettes groupusculaires étaient narrées comme une épopée idéologique, l’amorce d’une recomposition de la droite. C’était d’une idiotie sans nom : (...)

J’ai lu dans l’Obs –l’Obs !– sur le mode insider, sous un titre piteux que l’on réservait jadis aux couples honorables, Aubry-Hollande ou Garaud-Juillet, « Les secrets d’une idylle », que monsieur Zemmour trouvait Madame Maréchal « jolie, sympathique et intelligente », et que ces deux-là, avec des amis, avaient scellé alliance le 31 mai, buvant du rosé acheté au Monoprix du coin, dans un appartement de 35 mètres carrés à Saint-Germain des Prés.

Ces complaisances, jadis, ne s’appliquaient qu’à nos républicains : qu’ai-je à faire qu’un homme pour qui les migrants sont des envahisseurs trinque avec une femme qui ne trouvait pas indigne qu’on ait persécuté les protestants ? Depuis quand l’extrême droite est-elle sujet de chronique politico-mondaine ? (...)

Je préfère, c’est ma culture, les longues analyses, l’écrit, le style d’un billet du Monde quand ce journal sait qu’il doit descendre dans l’arène. Mais comment commenter une pensée qui n’est pas dévoilée ou que l’on nie ? Dans un âge d’amnésie et de faux-semblants, LCI nous a offert un point de départ. Nous parlons de la même chose, de la même infamie. C’est déjà énorme. Merci.