Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
blogs de Médiapart
Incendies en prison : carences et défaillances
/Observatoire international des prisons - section française
Article mis en ligne le 10 novembre 2021
dernière modification le 8 novembre 2021

En prison plus qu’ailleurs, la prévention des incendies est un enjeu de taille, ne serait-ce que parce que des personnes y sont maintenues captives. Pourtant, les contrôles dans ce domaine restent limités, tant dans leur fréquence que dans leur portée. Aux dysfonctionnements matériels s’ajoutent souvent des carences dans la formation des surveillants. Avec parfois, des conséquences dramatiques.

Chaque année, plus de 900 feux de cellules – le plus souvent des actes volontaires – sont répertoriés par la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap). Un nombre sans doute largement sous-évalué, puisque seuls les incendies occasionnant des dégradations importantes ou des extractions médicales sont recensés. Ces feux donnent parfois lieu à des drames : rien que cet été, une personne détenue est décédée et au moins deux autres ont été hospitalisées dans un état critique au service des grands brûlés. Ces cinq dernières années, au moins vingt-et-une personnes ont perdu la vie dans des incendies en cellule, d’après le recensement établi par l’OIP(1).

Comme tous les établissements recevant du public, les prisons doivent être dotées de dispositifs de protection. Mais ce ne sont pas des établissements publics ordinaires : si le niveau de surveillance y est élevé – via les rondes, les miradors et les caméras –, l’inaccessibilité des façades complique l’intervention des pompiers et l’impossibilité pour les personnes détenues de se déplacer librement multiplie les risques. « La justice a imposé à ces personnes une privation de liberté. Pour autant, on ne doit pas les priver de leur sécurité, pose un pompier spécialiste de la sécurité incendie en prison. Comme leur liberté de mouvement est entravée et qu’ils n’ont pas la capacité par eux-mêmes d’assurer leur propre sécurité, il faut que la société, c’est-à-dire nous collectivement, leur garantisse. » Mais force est de constater que cet impératif, tout autant moral que réglementaire, est loin d’être toujours rempli. (...)

. De nombreuses défaillances techniques sont en effet régulièrement constatées en cas d’incendie. L’une des plus fréquentes concerne les moyens de donner l’alerte. Si les surveillants disposent de plusieurs possibilités de communiquer avec le poste de centralisation de l’information (PCI), un seul outil est à la disposition des détenus : les interphones. Or, il arrive que ceux-ci soient défectueux. Dans l’incendie qui coûta la vie à un homme à Villepinte en juin 2020, plusieurs témoins ont ainsi mis en cause des dysfonctionnements dans l’interphonie(5).

Les établissements doivent également être dotés de systèmes permettant de détecter et signaler automatiquement tout départ d’incendie, complétés par des déclencheurs manuels. Mais en dehors des cuisines, du quartier disciplinaire et des cellules de protection d’urgence, aucune norme n’impose la présence de détecteurs de fumée en détention, soumettant cette décision à la libre appréciation des chefs d’établissements – une légèreté règlementaire qui ne peut qu’interpeller au regard du nombre d’incendies annuels. Conséquence : de nombreuses prisons ne disposent pas de détecteurs en coursives.

Quant aux alarmes, elles s’avèrent parfois peu fiables. (...)

De manière générale, dans au moins sept décès sur les vingt-et-un répertoriés, l’alarme a été donnée par les miradors, les rondiers ou les détenus eux-mêmes. Une récurrence qui vient interroger le rôle exact joué par les systèmes de détection d’incendie.

Autre problème récurrent : le fonctionnement des trappes de désenfumage. (...)

Dans les établissements de la Santé, Tarascon, Saint-Étienne ou encore Eysses, surveillants, pompiers ou techniciens font état de trappes difficiles à ouvrir, retardant d’autant les opérations de désenfumage. Dans certaines prisons vieillissantes, les systèmes relèvent parfois plus du bricolage. (...)

Quant aux lances d’incendie, censées pouvoir atteindre d’un jet tout point des locaux, elles se révèlent parfois trop courtes (...)

Une formation lacunaire des surveillants (...)

Lors de l’incendie survenu à la prison de la Santé en octobre 2019, le véhicule de secours aux victimes s’est ainsi retrouvé bloqué à l’une des entrées de la prison. Face au refus des surveillants d’ouvrir la porte, le véhicule a dû faire le tour de l’établissement pour se présenter à une autre entrée. En attendant, ce sont les pompiers chargés de l’extinction de l’incendie, dépourvus de tout matériel d’aide aux victimes, qui ont dû amorcer un massage cardiaque : le détenu, sorti de sa cellule par les surveillants, se trouvait en arrêt cardiaque lorsque les pompiers sont arrivés, « sans qu’aucune manœuvre de réanimation [n’ait été] entamée », témoigne l’un d’entre eux. Et lorsqu’ils ont demandé aux surveillants de leur fournir un défibrillateur automatique externe, ces derniers ont mis « plus de dix minutes » à le trouver. Pour l’un des pompiers intervenus ce soir-là, « la prise en charge aurait pu être différente. Ce n’était pas volontaire de la part des surveillants, ils étaient réellement perdus et ne savaient pas quoi faire », souligne-t-il.

C’est encore le manque d’entraînement des surveillants qui est pointé du doigt par un cadre du ministère de la Justice au visionnage des images de vidéosurveillance enregistrées lors d’un autre incendie mortel (...)