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Observatoire des Inégalités
Inégalités Sud-Nord et inégalités au Nord, deux faces d’un même système
Article mis en ligne le 4 novembre 2013

L’ONG internationale OXFAM a récemment produit un rapport intitulé Le piège de l’austérité, l’Europe s’enlise dans les inégalités.

Or, OXFAM s’était jusqu’à présent focalisée sur un travail de solidarité avec les peuples du Sud. À priori, on n’aurait pas attendu un tel rapport de la part d’Oxfam. Ce rapport laisse penser à une évolution dans la vision globale du mouvement vers une analyse plus systémique. Même si le mot capitalisme n’apparaît pas dans le rapport, les conséquences pour les populations du Nord de la toute puissance du secteur financier sont bien analysées.

Cette initiative d’OXFAM est à saluer car elle pourrait contribuer - à condition que le travail sur le Nord se poursuive - à renforcer les convergences sur les luttes au Nord. (...)

D’entrée de jeu, OXFAM montre la disparité énorme entre les sommes approuvées par l’Union européenne pour venir en aide au secteur financier (4500 milliards d’euros) - sans compter les aides indirectes par le biais d’interventions des États - et les mesures de relance économique destinées à contrecarrer les effets de la crise que les populations des différents pays européens subissent sans en être en rien responsables (200 milliards d’euros).

Un graphique sous forme de camembert tiré du rapport illustre très bien cette disparité. (...)

L’analyse des répercussions de l’austérité imposée par la Troïka dans différents pays démontre son inefficacité économique pour sortir de la crise. Le rapport mentionne une citation de Joseph Stiglitz qui témoigne de l’absurdité macro-économique des mesures d’austérité au regard des expériences passées : "J’aimerais qu’Angela Merkel comprenne que l’austérité affaiblit l’économie. Elle augmente le chômage, diminue les salaires et creuse les inégalités. Il n’existe aucun exemple de grande économie pour laquelle l’austérité a permis la reprise de la croissance."

Cependant, ce qui n’est pas dit c’est que cela correspond bien à l’effet recherché. L’imposition de ces mesures d’austérité - absurdes du point de vue macro-économique car elles bloquent toute perspective de relance - est bien conforme à l’agenda du patronat et des élites européennes qui veulent faire baisser le coût du travail. (...)

La crise représente donc une opportunité pour le patronat et les élites de renforcer des mesures déjà bien présentes auparavant visant au maintien et au développement des inégalités. Ce que le rapport signale ainsi : "Même avant la crise financière, de nombreux pays affichaient malgré une croissance forte, un taux croissant d’inégalités de revenus. Le Portugal et le Royaume-Uni se classaient déjà parmi les pays les plus inégaux de l’OCDE, ce qui pose de graves questions concernant le caractère équitable de la croissance dans les pays dans lesquels elle sera finalement relancée" (...)

L’organisation déplore à raison le "peu de nouveau impôts sur la fortune, alors que ceux-ci pourraient être une source de revenus nouveaux et une façon beaucoup plus progressiste de faire face aux déficits". Pour être plus précis, le terme "peu" devrait être remplacé par "aucun". Bien au contraire, jusqu’au début des années 1990, beaucoup de pays européens avaient un impôt sur la fortune qui a été supprimé au cours des années 1990 et 2000 |6|.

Il faudra certainement un accroissement de la conscience et des mobilisations sociales pour y parvenir. (...)

Oxfam conclut avec raison que la réduction des déficits ne s’accompagne pas nécessairement d’une réduction de la dette et que les taux de déficit peuvent chuter alors que la dette continue à augmenter.

Une des grandes faiblesses de ce rapport est que, s’il pointe l’augmentation de la dette comme un problème sérieux, il ne parle nullement de dette illégitime. Pourtant il aurait pu facilement arriver à cette conclusion en faisant davantage le lien avec les aides au secteur financier clairement mentionnées, ainsi que le creusement du déficit budgétaire des différents pays bien avant la crise en raison des politiques fiscales régressives appliquées depuis les années 1980.

Comparaisons avec le Sud

Depuis sa création, le CADTM dénonce les conséquences désastreuses des plans d’ajustement structurel imposés aux pays du Sud. (...)

les transformations économiques de transfert de richesse vers les plus riches, imposées par les dictatures latino-américaines à l’aide d’une répression sanglante, n’ont pas été remises en cause malgré la chute de ces régimes.

L’expression " décennie perdue " de la CEPAL est largement en deçà de la réalité puisque d’après Oxfam, "il a fallu 25 ans pour retrouver un niveau de pauvreté équivalent à celui d’avant la crise".

À l’autre bout de la planète, les plans d’ajustement structurel imposés par le FMI suite à la crise de l’Asie du Sud-est en 1997 ont eu les mêmes effets. La différence est qu’au lieu de commencer au début des années 1980 comme en Amérique latine, ils ont commencé une quinzaine d’années plus tard. Lorsqu’on regarde rétrospectivement, c’est le même constat de régression sociale qui peut être posé : " en Indonésie, le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour est passé de 100 millions en 1996 à 135 millions en 1999, le PIB a décliné de 15% en un an. Il a fallu plus de 10 ans pour retrouver un niveau de pauvreté équivalent à celui d’avant la crise".

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’austérité en Europe n’est pas juste un mauvais moment à passer mais entraînera une régression durable. Le constat est sans appel : "en Europe, 15 à 25 millions de personnes supplémentaires pourraient se retrouver en situation de pauvreté d’ici 2025 si les mesures d’austérité se poursuivent, ce qui équivaut à la population totale des Pays-Bas et de l’Autriche. Au mieux, les pays les plus touchés par l’austérité deviendront les plus sujets aux inégalités du monde occidental. Au pire, ils se classeront parmi les plus inégaux du monde entier".

En se basant sur ce constat fort sombre et les précédents de l’Amérique latine et de l’Asie du Sud-est, Oxfam en conclut que "dix à vingt-cinq ans pourraient être nécessaires pour retrouver des niveaux de pauvreté antérieurs à ceux de 2008". (...)

La nécessité de politiques alternatives (...)