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histoire
Intersexe, Vincent Guillot sort de la nuit
Article mis en ligne le 10 février 2014
dernière modification le 5 février 2014

Août 2013, Festival du cinéma de Douarnenez. Silence dans la salle. Seuls les sourds agitent leurs mains, les applaudissements jaillissent enfin. La douloureuse quête de Phoebe Hart, la documentariste australienne intersexe, s’achève sur l’écran. Vincent Guillot présente ses amis intersexes. « Parce que nous faisons partie de l’humanité, vous devez nous écouter. » Écoutons-le.

« On n’a pas les mots. Moi, je suis né en 1965. Il a fallu que j’attende 2002 pour connaître le mot intersexe. Jusque là, j’ai cherché qui j’étais. Je savais ce que je n’étais pas. Pour moi, c’était évident. On me disait que j’étais un garçon mais je n’étais pas un garçon, mon corps le disait, le corps de mes frères me le disait. Je savais aussi que je n’étais pas une fille parce que j’avais des sœurs. Il y avait un trou noir.

On pourrait se révolter si on avait le mot pour dire : "Vous voulez faire de moi une fille, vous voulez faire de moi un garçon mais je ne suis pas cela. Laissez-moi tranquille !". On vit des choses en percevant qu’elles ne sont pas normales. (...)

Enfant et adolescent, j’ai eu dix opérations lourdes, des semaines et des semaines d’hôpital puis des mois de convalescence. C’est un fantasme de médecin : "On opère sinon c’est insupportable, ils vont se faire agresser, vous vous rendez compte, à la piscine". Quand on est médicalisé à ce point sans savoir pourquoi on est médicalisé, quand on est bombardé d’hormones, on n’a pas la tête à étudier. J’avais des migraines terribles, j’allais chez l’orthoptiste, le machin, le truc, on disait que c’était la faute des néons mais cela n’avait rien à voir. Les médecins me disaient que je faisais du rhumatisme articulaire aigu. En fait, c’était provoqué par les hormones. Quand on a mal, on ne travaille pas.

L’adolescence, je n’en ai pas eu. Je refusais les traitements : mon corps ne les comprenait pas. Je n’ai pas eu de puberté et cela a créé un décalage énorme : je voyais ce monde, je voyais que cela existait mais je ne le comprenais pas.

Le regard des autres (...)