
Tremblants et fantomatiques, ils disent revenir de "l’enfer". Ces habitants du vieux Mossoul libérés du joug des jihadistes devant l’avancée de l’armée irakienne, ont échappé à la mort et à la famine, pas aux drames et aux traumatismes.
Ils arrivent par petites grappes familiales, jetés par des blindés des forces spéciales irakiennes sur le trottoir d’une avenue poussiéreuse, bétonnée et déserte, n’étaient les quelques soldats et la clinique de fortune chargée de les accueillir.
A quelques centaines de mètres de là, les combats font rage dans leurs quartiers du vieux Mossoul, un dédale millénaire de ruelles et maisons de pierre.
L’armée y avance dans les derniers kilomètres carrés encore tenus par des centaines de jihadistes du groupe Etat islamique (EI), encerclés et décidés à lutter jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la mort, au milieu des dizaines de milliers de civils pris au piège.
Chaque maison reprise permet aux soldats de libérer des civils, terrés chez eux par peur du cocktail meurtrier qui décime la vieille ville : bombardements aériens irakiens et de la coalition internationale, obus et snipers jihadistes qui n’hésitent pas à tirer sur quiconque voudrait s’échapper.
Les civils sont déposés à la clinique une fois leur identité vérifiée. Les soldats y distribuent de l’eau et des biscuits, sur lesquels les enfants affamés se jettent sans retenue, retrouvant un peu de sourire.
Les adultes semblent plus marqués, comme si ce qu’ils décrivent tous comme un "enfer" les avait fait basculer dans une vie parallèle décharnée.
– ’On revient de la mort’ - (...)
Les civils "sont terrés dans leurs sous-sol et meurent quasiment de faim", note un officier. "Certains vont jusqu’à manger de l’herbe, d’autres des chiens".
"La plupart souffrent de déshydratation, de malnutrition, les enfants notamment. Les adultes sont souvent hystériques, car ils ont souvent perdu trois ou quatre membres de leur famille", explique Ahmed Diran, un des volontaires à la clinique.
"Et le pire est peut-être à venir, dit-il, car plus l’armée avance, plus les civils sont entassés avec les jihadistes dans un nombre réduit de bâtiments, et donc vulnérables". (...)
L’accueil des déplacés de la vieille ville ne va pas sans une certaine tension, une partie de la population les soupçonnant de mansuétude voire de sympathie pour l’EI, eux qui auront attendu trois ans pour fuir les jihadistes.
S’y est ajouté l’attentat de jeudi dans un quartier voisin, perpétré par un kamikaze de l’EI infiltré parmi des civils fuyant la vieille ville. Il y a eu 12 morts. (...)