Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
l’Humanité
Italie. La jeunesse mobilisée après la mort au travail d’un enfant de 16 ans
Article mis en ligne le 17 février 2022
dernière modification le 16 février 2022

On ne devrait pas perdre la vie quand on a 16 ans. Lundi, la camionnette de l’entreprise de plomberie où Giuseppe Lenoci fait son stage sort de la route. Elle finit dans un arbre à Serra de Conti, dans les Marches, au centre de l’Italie. Le mineur, qui occupe le siège passager, meurt sur le coup, prisonnier de la tôle. Le conducteur, 37 ans, est dans un état grave. Il a été propulsé hors du véhicule.

À Monte Urano, on pleure l’enfant du village, une figure parmi les jeunes footballeurs. Dimanche, à la suite de plusieurs défections, il s’était retrouvé à jouer dans l’équipe de football des adultes. « Il avait grandi dans ce club jusqu’à devenir une promesse », a témoigné dans Il Resto del Carlino le président de la société Campiglione Monte Urano.
Le deuxième étudiant à perdre la vie au travail

Jouer avec les grands au « calcio », cela passe. Cela suscite même l’admiration. Mais aller avec les grands au travail et périr, cela passe d’autant moins que Giuseppe Lenoci n’est pas le premier. Il est le deuxième étudiant à perdre la vie au travail en moins d’un mois. (...)

Main broyée par une fraise

Depuis la réforme « bonne école » impulsée en 2015 par l’ancien président du Conseil social-libéral Matteo Renzi, l’alternance s’est développée. Et les jeunes font les frais, comme les plus anciens, des problèmes structurels d’insécurité au travail. Jambe écrasée par un chariot élévateur, main broyée par une fraise, doigts détruits par une perceuse, chute d’une grue ont mutilé plusieurs jeunes de 16 à 18 ans ces dernières années. (...)

« Construire un modèle de société différent »

Le gouvernement sait que l’affaire est explosive. Le 28 janvier, une semaine après la mort de Lorenzo Parelli, des ­dizaines de milliers de jeunes ont manifesté dans toute la péninsule pour lui rendre hommage. Certains ont fait l’objet de violences policières. Ils ne venaient pourtant que rappeler que la place de leur camarade n’était pas au travail, mais à l’école.

Cet argument a été repris ce mardi par l’Union des étudiants (UDS), organisatrice de ces mani­festations. C’est « une autre mort sur le lieu de travail, là où un étudiant ne devrait pas être », a réagi pour le site Fanpage.it le coordinateur du syndicat, Luca Redolfi, qui dénonce « un système malade, tourné seulement vers le profit ».

Pour le dirigeant de l’UDS, il faut que « l’alternance école-travail et les stages soient abolis pour favoriser une instruction intégrée, qui critique le système productif actuel pour construire, depuis les lieux de formation, un modèle de société différent ».
Un fléau en Italie (...)

Ces récents décès viennent rappeler qu’en Italie les accidents liés à l’activité professionnelle sont un fléau. L’Ob­servatoire national indépendant des morts au travail en recense 1 404 sur l’année, soit 27 par semaine. 695 sont décédés sur leur lieu de travail, le reste lors du trajet pour s’y rendre. Pour comparaison, en France, 550 personnes sont mortes d’un accident de travail (hors transports) en 2020.

De l’autre côté des Alpes, l’attention sur le sujet n’a cessé de croître ces dernières années, au point que de nombreuses villes italiennes ont désormais leur « rue des tombés au travail ». Comme si l’activité professionnelle était devenue un champ de bataille.