
Un nouveau site d’information, alimenté uniquement par des contributeurs immigrés, a vu le jour en Italie. Le but : parler d’immigration d’une manière éclairée et humanisée en livrant des témoignages personnels.
En Italie, les voix de "ceux qui sont trop souvent dénigrés, discriminés et incapables d’exprimer leur point de vue" ont maintenant une plateforme. The Black Post, un média en ligne créé en avril dernier à Rome, donne la parole aux immigrés de première et deuxième génération, qui composent l’équipe éditoriale du site. En tout, 11 contributeurs originaires du Mali, de Turquie, du Burkina Faso, du Cameroun, du Mozambique ou encore du Mexique, écrivent des articles tantôt intimes, tantôt militants.
Dans un pays où le discours anti-migrants a été promu durant des mois par l’ancien ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, “le but n’est pas de parler d’eux, mais de les faire parler, et décrire la vie et le monde qui les entoure, pour le meilleur ou pour le pire”, est-il indiqué, en guise de note d’intention, sur le site. (...)
Derrière le projet Black Post se tient un étudiant en droit de 26 ans, Luca De Simoni. Fin 2018, ce dernier sature de la manière dont les médias traditionnels parlent d’immigration. "Bizarrement, les sujets sur l’immigration étaient toujours dépourvus de migrants", soulève-t-il. “Si tu veux parler d’économie dans les médias, il faut être un expert. Ça devrait être pareil pour parler d’immigration.”
Le jeune homme décide de toquer à la porte de Sandro Medici, journaliste connu à Rome, spécialisé dans l’immigration et ancien rédacteur en chef du quotidien Il Manifesto. Il lui parle de son idée de monter un média fait par des migrants. "Il a adoré le concept", se souvient-il.
Les deux comparses partent alors à la recherche de plumes parmi les migrants, sillonnant différents lieux et événements organisés autour du thème de la migration et de la communauté africaine. "Nous n’avions aucune condition de recrutement, raconte encore Luca De Simoni. Mais ça a été difficile de trouver des personnes partantes pour rejoindre notre équipe. Beaucoup se sous-estimaient. D’autres étaient suspicieux." (...)
Si les contributeurs du Black Post ne sont pas des journalistes aguerris, leurs compétences en la matière se renforcent petit à petit. Toutes les deux semaines, l’équipe se retrouve pour discuter des sujets. “On les encadre, on corrige leurs articles : le niveau de langue, d’une part et la forme, d’autre part, car on n’écrit pas un article comme on écrit un post Facebook. La qualité des contenus s’est considérablement améliorée depuis notre lancement”, détaille Luca De Simoni. “Désormais, Sandro Medici voudrait qu’on ait moins recours aux témoignages et aux opinions personnelles car nous sommes un journal et nous devons donner des informations."
Le site a, en tout cas, trouvé un public, assure-t-il. “Nous touchons 300 000 personnes par mois, en prenant en compte tous nos supports, site internet et réseaux sociaux confondus. Les contributeurs, eux, prennent de plus en plus confiance en eux.”
Le message de Black Post ferait donc son chemin. Un message simple, selon Daouda Sarè. “Nous disons : les problèmes économiques du pays, ce n’est pas notre faute. Ce n’est pas parce que vous ne nous connaissez pas que nous sommes des personnes mauvaises. Nous sommes comme vous.”