
Pour que la montagne reste un bien commun, des guides professionnels dans les Hautes-Alpes proposent des stages d’alpinisme à des publics en grande précarité. Rencontre au sommet.
(...) La neige est une nouveauté pour elle : « J’avais seulement l’habitude de la voir à la télé. » Originaire de Côte d’Ivoire, elle a été redirigée par le 115 vers un accueil de jour situé dans les Yvelines, à Versailles, tenu par l’association SOS Accueil. Avec deux accompagnants et cinq bénéficiaires, elle profite d’une semaine de vacances organisée par l’association 82-4 000 Solidaires (référence aux 82 sommets de plus de 4 000 mètres qui se trouvent dans les Alpes), basée à Briançon. (...)
La montagne « nous appartient en commun »
Depuis près de onze ans, cette structure composée de guides de haute montagne, émanation d’ATD Quart Monde, propose des stages d’alpinisme à des publics en grande précarité. L’idée était de renouer avec la « part sociale de l’alpinisme, devenue peau de chagrin aujourd’hui », selon Hugues Chardonnet, le fondateur, ancien médecin et diacre dans les paroisses de Briançon devenu guide. (...)
Partager la montagne avec ceux qui, comme Edith, n’y ont jamais eu accès, est un rappel : celui que cet environnement « nous appartient en commun ». Par an, près de 100 personnes en moyenne bénéficient de ce dispositif, grâce à des dons. (...)
Ce stage d’alpinisme est dans la continuité du travail de Natacha Poyau, psychologue au sein de SOS Accueil. « Mon rôle, c’est de leur faire un grand câlin psychologique », sourit-elle. Les personnes qui viennent en vacances avec 82-4 000 sont connues de l’association et « commencent à aller mieux, mais stagnent en raison de problèmes administratifs ou relationnels qui compliquent leur stabilisation dans le logement ou le travail ». Cette semaine leur offre un répit. Ce qui est déjà beaucoup, même si le retour à la réalité peut parfois être compliqué.
L’association ne prétend pas faire des stages thérapeutiques. (...)
Ces sorties sont l’occasion de sensibiliser à la rareté, mais aussi à l’« extrême fragilité » de ces montagnes. (...)
Les échanges, eux, ne vont pas que dans un sens. « Les personnes qu’on accompagne rafraîchissent notre regard écologique. Souvent, elles sont tellement émues par la puissance de ce qu’elles ont vécu qu’elles prennent conscience, de manière encore plus affûtée que nous, de l’importance d’entretenir la nature comme un jardin très précieux, dit Hugues Chardonnet. Il n’y a aucun avenir écologique si cet environnement naturel est réservé à une élite. » (...)