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« Je ne vais pas risquer de me faire éclater le crâne » : par peur, ils ont renoncé à manifester
Article mis en ligne le 6 janvier 2021

Militants occasionnels ou aguerris, certains abandonnent leur droit de défiler, effrayés par les stratégies de maintien de l’ordre.

La charge de trop pour Clément. Nous sommes le 12 décembre 2020 à Paris, il manifeste contre la proposition de loi « sécurité globale ». L’étudiant de 18 ans rencontre la matraque pour la première fois lors d’une avancée des forces de l’ordre depuis une rue perpendiculaire au défilé. « J’étais en deuxième ligne, un coup est passé sur moi. Je priais pour que ce soit ceux de devant qui prennent. C’était humiliant, dégradant pour l’image que j’ai de moi », confie celui qui a été biberonné aux défilés du 1er mai par des parents syndicalistes. « Ça tapait au hasard, se souvient-il. Pourtant il n’y avait pas de dégradations. » (...)

Clément n’est pas seul à avoir renoncé à faire entendre sa voix dans la rue par crainte des stratégies du maintien de l’ordre. Peu importe leur âge. Manifestants du dimanche, ou fidèles des cortèges de tête, ils décrivent un évènement, un déclic après lequel ils n’y sont plus retournés. Comme Marie, ils craignent « d’être au mauvais endroit, au mauvais moment ». Ou, comme Marion, ne veulent pas y aller seul·es. « Mes amis ont peur. On nous dit qu’on cible les casseurs, mais maintenant je me rends compte que ça concerne tout le monde. » (...)

Une trouille qui touche même les plus endurcis. (...)

Les défilés, ça le connaît. Il en a perdu une dent, en Allemagne, après un coup de matraque reçu dans une manifestation du collectif Ende Galände, qui réunit chaque année des milliers de personnes pour des actions de désobéissance civile. Mais, c’est à Lyon, pendant le mouvement des « gilets jaunes », qu’il dit stop. (...)

« Tu voyais plus rien. Ça pétait dans tous les sens, les grenades faisait un bruit de malade. J’avais en tête les images des personnes mutilées [qui circulent sur les réseaux sociaux]. Ça te fait vraiment flipper. » Depuis il évite les rassemblements. (...)

Pour d’autres, manifester devient usant. Jeanne*, cette thésarde parisienne « petite et menue », a fait « une crise de panique » dans un nuage de gaz lacrymogène, entourée de « CRS énormes et plein d’armures, nassée en plein Covid ». (...)

Nathalie Tehio, du Bureau national de la Ligue des droits de l’homme, l’observe chez les membres les plus âgés de l’association. (...)

les policiers vont de plus en plus au contact. La manifestation du 12 décembre 2020, contre la loi « sécurité globale », est un cas d’école, selon Olivier Fillieule. « Les policiers ont procédé à des arrestations arbitraires. Ce n’est pas du fascisme ou de la folie, c’est une logique technique. Ils font ça pour terroriser le cortège, pour éviter toute formation d’un bloc, et faire en sorte que tous ceux qui auraient l’intention de jeter un caillou le garde dans la poche et se disent “aujourd’hui ça ne rigole pas.” » (...)

De là à dire que l’exécutif veut empêcher les citoyens de manifester, il n’y a qu’un pas. Que ne franchit pas le chercheur. Aucun document ne le dit clairement. « On peut juste observer les effets des stratégies mises en place. L’exécutif les connaît mais ne change pas les ordres. ». (...)

Pénible, aussi, pour les policiers d’aller au contact. « Ils doivent flipper, observe Maxime Reynié, photojournaliste et fondateur d’un site internet dédié au maintien de l’ordre. Quand tu en envoies cinq, dix, au milieu d’un groupe pour interpeller, il y a plus de risques de dérapages avec le stress et le manque de formation. » (...)