
Je suis tombée en décroissance comme certains tombent amoureux, comme une espèce d’évidence. Du jour au lendemain, plus aucun compromis ne devient envisageable…. On a beau être écologiste convaincue depuis toujours, tomber en décroissance c’est ouvrir les yeux, d’un coup, d’un seul, sur les contradictions de nos choix de vie personnelle, professionnelle, associative… La transition qui s’amorce dès lors, plus ou moins difficilement, douloureusement, reste passionnante et enrichissante. Ce qui est sûr, c’est que l’on ne sait pas ce qu’il restera à la fin.
Tomber en décroissance, c’est vivre un deuil progressif, voire soudain, d’un imaginaire sociétal dans lequel nous nous étions construits, avions projeté notre avenir… et faire face rapidement à un sentiment d’impuissance abyssal qui nous pousse à aller à la rencontre de ceux qui sont déjà en chemin, de manière boulimique parfois (paradoxalement !), comme pour combler ce vide « conceptuel » brutal…
Tomber en décroissance, c’est accepter que nos rêves et notre réflexion se radicalisent… un temps, ou longtemps. Parfois nos positions se ferment de manière obstinée à tout ce qui composait l’ « avant », sans aucune indulgence vis-à-vis des autres, mais surtout de nous mêmes… Cette forme de radicalisation apporte son lot de clivage et d’incompréhension vis-à-vis de nos proches, sceptiques, et crée un sentiment de manque de souplesse… réel, un temps, ou longtemps… Les risques de repli sur soi, sur un collectif unique peuvent être grands… et pourtant…
Tomber en décroissance c’est avant tout essayer de ne pas reproduire les modèles individualistes et égoïstes que la société capitaliste nous propose. C’est inventer d’autres archétypes. Il s’agit, à mon sens, d’une démarche profondément intime et humaniste… (...)
… alors, que faire ?
Créer des espaces de « fabrication » de possibles, de vies, d’autonomies, de réappropriations, d’inventions, de réinventions, de gratuités, d’échanges, de créations, de relocalisations… Écrire pour rendre visibles nos analyses et nos diagnostics. Ré-investir la cité en inventant d’ authentiques espaces politiques et citoyens. Renouer avec notre vie de quartier, notre identité locale, régionale… Ré-enraciner notre vie et notre consommation à notre territoire, se reconnecter à la terre, ici, chez nous…, offrir des espaces de convivialité et d’échange où ensemble, dans nos diversités, nous élargissons le champ des possibles et proposons de nouveaux paradigmes pour la société de demain.
Certains parlent d’utopie… Mais l’utopie n’est-elle pas l’irréalisé, et non l’irréalisable, comme le suggérait Théodore Monod ? (...)