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Jean Gadrey pour Alternatives Economiques
Jean Gadrey : Revenu de base : je coince toujours, mais ce n’est pas désespéré (1)
Article mis en ligne le 26 novembre 2015
dernière modification le 23 novembre 2015

(...) Je me dis que le nombre et la qualité de ceux qui le défendent excèdent nettement mon nombre et mes qualités… Ils doivent bien avoir raison quelque part !

Donc je me mets à lire à nouveau sur le sujet pour tenter d’infléchir mon jugement, qui était très dubitatif dans ce billet de janvier dernier « Revenu de base, revenu universel : pas facile de se faire une idée ».

(...) je ne parierais pas sur la généralisation de l’auto-entrepreneuriat, et surtout je ne le souhaite pas. On ne risque pas de démarchandiser le monde pour préserver des biens communs vitaux sur cette base. Et avec le revenu de base façon MDB (Marc de Basquiat), on ne risque pas non plus de permettre à chacun de vivre décemment vu le montant annoncé, au niveau du RSA actuel pour les adultes, soit la moitié du seuil de pauvreté pour une personne seule… Il est vrai que le texte n’ambitionne que la satisfaction MINIMALE des BESOINS PRIMAIRES, mais tout comme Bruno Tardieu dans son beau livre récent (voir mon billet précédent) je refuse la hiérarchie des besoins « à la Maslow », je la trouve méprisante et excluante pour les personnes en situation de pauvreté.

LE MOUVEMENT FRANÇAIS POUR LE REVENU DE BASE

Je dois donc me tourner vers d’autres projets de revenu de base. Je poursuis donc ma quête et je tombe sur l’un des sites majeurs sur ce thème, celui du MFRB, Mouvement français pour le revenu de base. On y trouve de longs développements sur les critiques du RB et sur les réponses apportées. (...)

à ce stade, le moins qu’on puisse dire est que je ne suis pas convaincu par le RB tel qu’il est défendu par ceux de ses avocats précédemment cités. Cela dit, on en trouve d’autres (B. Mylondo, S. Jourdan, J. Zin, M. Cholet, certaines associations de chômeurs, Utopia, Nouvelle Donne…), et ce sera l’objet des deux prochains billets, moins critiques. Car après tout on pourrait aussi défendre un RB dans une perspective qui ne serait pas celle de la fin du travail entrainée par la robotisation générale, ni la fin du salariat au bénéfice de l’auto-entrepreneuriat, ni le précariat, ni la poursuite dans la voie de la croissance et des gains de productivité. Mais alors, mettre dans le même sac (ou dans la même tribune de Libé…) des propositions et des visions de la société aussi radicalement opposées, de Milton Friedman à André Gorz, n’est-ce pas contreproductif ?

Revenu de base : je coince toujours, mais ce n’est pas désespéré (2) (...)

Je trouve stimulante, bien que posant les mêmes problèmes de financement global, la proposition de Paul Ariès « pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie qui prendrait plusieurs formes : une partie sous forme de monnaie nationale (en euros), une autre partie importante sous forme de monnaie locale à inventer (afin de faciliter notamment la relocalisation de biens socialement et écologiquement responsables), et une partie, essentielle à mes yeux, distribuée sous forme de droits d’accès aux biens communs (gratuité de l’eau vitale, des transports en commun, bouclier énergétique, etc.). »

Sans doute les partisans des solutions simples trouveront-ils cela trop complexe, mais c’est le genre de complexité qui serait nécessaire. Se contenter de dire : « les gens sont libres de dépenser ce RB comme ils l’entendent » semble très respectueux des personnes, mais c’est oublier les structures qui encadrent voire conditionnent les comportements, c’est oublier le consumérisme et le productivisme organisés. (...)

Revenu de base : je coince toujours, mais ce n’est pas désespéré (3) (...)

Je trouve stimulante, bien que posant les mêmes problèmes de financement global, la proposition de Paul Ariès « pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie qui prendrait plusieurs formes : une partie sous forme de monnaie nationale (en euros), une autre partie importante sous forme de monnaie locale à inventer (afin de faciliter notamment la relocalisation de biens socialement et écologiquement responsables), et une partie, essentielle à mes yeux, distribuée sous forme de droits d’accès aux biens communs (gratuité de l’eau vitale, des transports en commun, bouclier énergétique, etc.). »

Sans doute les partisans des solutions simples trouveront-ils cela trop complexe, mais c’est le genre de complexité qui serait nécessaire. Se contenter de dire : « les gens sont libres de dépenser ce RB comme ils l’entendent » semble très respectueux des personnes, mais c’est oublier les structures qui encadrent voire conditionnent les comportements, c’est oublier le consumérisme et le productivisme organisés. (...)

Parmi les objectifs prioritaires auxquels on peut penser, celui que je mets en avant au-dessus de tous les autres n’est pas le libre choix de travailler ou non (cela peut être un avantage collatéral), mais une forte réduction des inégalités et de la pauvreté, associée à (et indispensable pour) une transition écologique et sociale urgente. Un RB ne peut réduire les inégalités et la pauvreté que s’il est d’un montant élevé, s’il ne vise pas à supprimer les autres piliers de la protection sociale, et s’il s’accompagne d’une réduction des très hauts revenus. Et la transition écologique et sociale n’est pas compatible avec l’idée de la fin du travail et de l’emploi, en tout cas dans les décennies à venir où il va y avoir du boulot (à mieux partager) pour quitter le productivisme et prendre soin des humains, de la nature et du lien social, à l’opposé du mythe technologiste de la robotisation générale. Ces convictions personnelles ne sont pas des a priori ni des certitudes, elles doivent donc être débattues. (...)

En associant des minimas sociaux nettement plus élevés et des stratégies de créations d’emplois utiles pour la transition, de partage équitable du travail, de droits universels étendus sur le plan du travail, de l’emploi, de la protection sociale, de l’égalité entre les femmes et les hommes, on pourrait poursuivre le débat sur un RB de gauche en marquant des points sur la dissociation entre revenus et emplois. (...)

Penser que la diversité contradictoire des projets de RB pourrait se résoudre sur la base du plus petit dénominateur commun serait sans issue parce que les versions libérales/minimales et antilibérales/ambitieuses ont des visées opposées. (...)

Un fichier pdf regroupant les trois billets en six pages très denses peut être téléchargé via ce lien : rb-6pages.pdf