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le Monde
Kenya : le jour où les juges ont dit non au pouvoir politique
Article mis en ligne le 3 septembre 2017

A la surprise générale, la Cour suprême a invalidé la victoire du président sortant, Uhuru Kenyatta, pour « irrégularités ». Un événement historique.

L’homme le plus courageux du continent africain n’est pas cool. C’est le président d’une Cour suprême, celle du Kenya. David Maraga, pur produit du système judiciaire de son pays, vient de déclencher un séisme en reconnaissant au principal opposant du pays, Raila Odinga, le droit de ne pas se faire piétiner.

Raila Odinga n’est pas cool non plus. Il n’a pas créé de start-up, ne se fait pas livrer de médicaments par drone. Il ne fréquente ni les stars de Hollywood qui veulent protéger les rhinocéros, ni les sommets pour l’élite (fortement rémunérateurs pour leurs organisateurs, généralement étrangers) où est supposé se forger le futur d’un continent en pleine mutation. Le fils du grand Oginga Odinga, figure de l’indépendance du Kenya, a passé toute sa vie d’adulte à faire de la politique, et tente, depuis vingt ans, de devenir président de la République. (...)

Des juges kényans ont donc pris une indépendance telle vis-à-vis du pouvoir politique qu’ils peuvent oser, en invoquant le droit, le bien commun, défaire de sa victoire l’actuel chef de l’Etat, Uhuru Kenyatta. On ignore dans quelles conditions sera conduite – dans un délai de soixante jours – une nouvelle élection présidentielle, mais, déjà, un cri de liberté a été poussé, qui résonne bien au-delà du Kenya. (...)

Dans un continent qui se transforme, un scrutin national n’est pas simplement un exercice de lutte un peu vaine pour le pouvoir, mais le test, le lieu de mise en œuvre d’autre chose : la pluralité, et l’idée de justice, donc, qui l’accompagne. Pour créer, investir, innover, pour faire valoir ce qu’au Kenya on vénère – l’effort, le travail –, il faut des règles respectées par tous, pour tous. Il y a encore du chemin, mais quelle détermination, quelle constance ! Une élection présidentielle n’est ni un gadget, encore moins une invention perverse « occidentale », comme le clament les propagandistes des pouvoirs qui assassinent leurs opposants, mais un phénomène vital.
Comme ils prennent un coup de vieux, les autocrates du continent, réélus dans le flou artistique ou les scores ahurissants ! (...)