
Le président de la République n’a pas jugé nécessaire de réagir après l’annonce du procès à venir de son ministre de la justice et de la mise en examen de son bras droit. Il mise sur le relatif silence des médias. Et ne s’y trompe pas.
(...) n’écoutant que son courage, le président de la République décida de réagir en ne réagissant pas. Pas grave. Deux fois rien. Dans vingt-quatre heures, tout le monde aura oublié, pour ceux qui l’ont jamais su.
Car c’est là la seule boussole de l’Élysée. Après tout, peu importe qu’il y ait faute, mise en examen, renvoi devant le tribunal, voire condamnation en première instance : les jurisprudences passées qui valaient une démission, dans un cas ou dans un autre, sont dépassées. À présent, seule compte la façon dont « l’opinion publique » perçoit la chose. Le bruit médiatique. La tonalité des réseaux sociaux. (...)
Et c’est là que la responsabilité des journalistes est immense. Après avoir beaucoup épargné Éric Dupond-Moretti, peut-être parce que celui-ci savait s’assurer de leur mansuétude par de menues informations ; après avoir très peu embrayé sur l’affaire Kohler en dépit des révélations à répétition de Mediapart, les voilà qui boudent très largement les conséquences judiciaires de ces faits.
Dans les journaux télévisés comme dans les matinales, le sujet est traité marginalement. Pas d’invités spécifiques. Pas de chroniques particulières. Pas la manchette du Monde ni du Figaro, les deux plus grands quotidiens français.
Quel décalage avec des affaires pourtant d’une bien moins grande importance, également révélées par Mediapart, comme le protocole Covid piloté depuis Ibiza par Jean-Michel Blanquer, qui avait suscité des éditions spéciales et des commentaires en boucle !
Le président de la République bénéficie de ces choix journalistiques incompréhensibles qui préfèrent s’attarder sur des affaires simples et symboliques, plutôt que sur celles relevant de la corruption. (...)
Le président bénéficie aussi des silences de ses oppositions politiques. Les réactions sont en effet faibles du côté de dirigeants de partis souvent eux-mêmes menacés par des enquêtes judiciaires et ne souhaitant pas donner trop de crédit à celles-ci.
Or les journalistes se nourrissent des réactions politiques. Et les réactions politiques surviennent quand les journalistes s’emparent d’une affaire. Le serpent se mord la queue.
Pire : des affaires sont parfois enterrées sans que personne ne s’en offusque. Le Parquet national financier, censé être le fer de lance de la lutte anticorruption en France, avait ainsi classé l’affaire Kohler, en dépit d’éléments probants. Il a fallu que l’association Anticor dépose une plainte, avec constitution de partie civile, pour qu’un juge d’instruction (statutairement indépendant, contrairement au parquet) rouvre une enquête aboutissant aujourd’hui à la mise en examen.
Pour ceux qui l’auraient oublié, Anticor (pour anticorruption) est cette association à laquelle le même Éric Dupond-Moretti voulait retirer son agrément, ce qui l’aurait empêché de se porter partie civile et donc de forcer l’ouverture d’instructions dans des affaires classées par le parquet.
Pour rappel toujours, il se trouve que c’est Alexis Kohler qui a souhaité contre vents et marées qu’Éric Dupond-Moretti soit maintenu dans ses fonctions de ministre de la justice, en dépit de la menace judiciaire pesant sur lui. (...)
la présomption d’innocence a bon dos quand la justice a réuni des indices graves et concordants. Ou quand il y a eu condamnation en première instance, comme c’est le cas pour Nicolas Sarkozy (il a fait appel), qui continue de représenter la France à l’étranger. (...)
La règle est désormais que les responsables publics mis en cause ne démissionnent que si la pression est trop forte. Le message est clair mais qu'en ferons-nous ? Et si les citoyens mettaient la pression à leurs représentants ? https://t.co/NnzHyEKiHT
— Anticor (@anticor_org)
« #Macron, ce n'est plus Jupiter, c'est le Parrain ». @Ugobernalicis (LFI-NUPES) #DirectAN #AuPoste. pic.twitter.com/OqFickNTVF
— David Dufresne (@davduf) October 4, 2022