Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
L’ASN va lancer une plate-forme pour les lanceurs d’alerte du nucléaire
Article mis en ligne le 14 novembre 2018

L’Autorité de sûreté nucléaire va mettre en ligne une plate-forme sécurisée pour les lanceurs d’alerte. En 2018, une dizaine d’alertes reçues par le gendarme du nucléaire ont donné lieu à des inspections et ont permis de découvrir des anomalies.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) va installer sur son site internet une messagerie sécurisée à l’intention des lanceurs d’alerte. Elle sera mise en ligne sur la page « Contact » de l’ASN « dans les prochaines semaines. La page est prête, mais comme il s’agit d’un dispositif informatique, nous sommes en train de vérifier que nous sommes en conformité avec les règles de la Cnil [Commission nationale de l’informatique et des libertés] », a expliqué à Reporterre Christophe Quintin, inspecteur en chef de l’ASN, après avoir dévoilé le projet lors de la 30e conférence des CLI (Commissions locales d’information, mercredi 7 novembre, à Paris. (...)

Par ailleurs, cinq recrutements sont en cours pour traiter les éventuelles alertes reçues par ce biais. « À l’ASN, on est des ingénieurs, pas des spécialistes de la fraude. On cherche donc des gens qui ont travaillé dans le domaine du judiciaire, qui savent travailler contre les fraudeurs et contourner les tentatives de masquer la vérité. » Il s’agira d’analyser et de décortiquer les mécanismes des fraudes révélées par les lanceurs d’alerte, « On a ouvert des fiches de poste en interministériel en ciblant des profils type répression des fraudes, police et gendarmerie », poursuit M. Quintin. Le dispositif d’accueil des alertes s’inscrit dans l’air du temps, alors que l’ASN « a reçu en 2018 une dizaine d’alertes qui ont conduit à des inspections et ont permis de trouver des choses ».

La méthode utilisée est largement inspirée de celle mise en place par la Nuclear Regulatory Commission (NRC), l’autorité de sûreté nucléaire étasunienne. En pratique, le lanceur d’alerte aura la possibilité de livrer informations et documents sur cette page dédiée du site de l’ASN. Il pourra, au choix, donner son nom ou rester anonyme, « même si l’on ne recommande pas l’anonymat parce que d’une part, on n’aime pas trop les dénonciations anonymes, et d’autre part, on a très souvent besoin d’informations complémentaires pour affiner notre travail ; si l’on ne sait pas comment contacter la personne, on ne pourra pas travailler », souligne M. Quintin. À l’ASN, le dossier sera imprimé avec le nom du lanceur d’alerte et un numéro d’enregistrement. (...)

Chaque alerte sera ensuite étudiée par une commission composée de membres de l’ASN, spécialistes de la fraude et spécialistes du métier, qui décideront des suites à lui donner – ou non. (...)

L’idée de cette plate-forme a germé au sein du groupe de travail mis en place à la suite de la découverte de graves dysfonctionnements du contrôle qualité à l’usine Areva du Creusot (Saône-et-Loire). En avril 2016, 430 dossiers de fabrication irréguliers – des dossiers « barrés », dont certains remontaient aux années 1960 – ont été découverts dans les archives du site industriel, où sont forgés les gros composants en acier des réacteurs nucléaires. L’ASN avait alors demandé à l’exploitant d’éplucher l’intégralité de ses 6 000 dossiers, et d’autres anomalies ont été découvertes. « Le groupe de travail a alors émis des recommandations sur la traçabilité, les inspections… Y figurait cette idée de pouvoir recueillir des alertes », se souvient M. Quintin.

Pour l’inspecteur en chef, cette plate-forme doit compléter la loi Sapin II, censée protéger les lanceurs d’alerte à condition qu’ils suivent un processus de dénonciation très précis — et avant toute chose qu’ils préviennent leur hiérarchie.

« Je ne dis pas qu’il ne faut pas respecter la loi, mais que la protection apportée par la loi Sapin II est relativement faible. Parce que, si l’on ne peut pas vous licencier au motif que vous avez lancé l’alerte, dans les faits, dès qu’il y aura une charrette, vous serez dedans pour un autre motif. Ou alors, on va vous mettre à un poste moins intéressant et vous licencier ensuite pour une autre raison… C’est ce qui arrive à l’heure actuelle aux premiers lanceurs d’alerte qui ont été placés sous la protection de cette loi  », observe-t-il.

Du côté des exploitants, on commente du bout des lèvres la mise en place de ce dispositif. (...)

Charlotte Mijeon, du réseau Sortir du nucléaire, salue pour sa part une « avancée, car la loi Sapin avait des limites : il fallait faire d’abord remonter en interne ce qui n’allait pas, ce qui signifiait pour de nombreux travailleurs se faire taper sur les doigts ». Mais elle attend de voir les moyens humains qui seront mis en œuvre pour traiter les alertes et la médiatisation qui en sera faite (...)