
La paix est notre ambition nationale. Si faire la paix en Afghanistan était une tâche facile, elle aurait été accomplie depuis longtemps. » Ainsi s’exprimait le nouveau président afghan Ashraf Ghani au cours d’une conférence de presse tenue à Kaboul le 1er novembre 2014, à son retour d’un voyage en Chine. Cet objectif semble, en effet, plus éloigné que jamais.
Son prédécesseur, M. Hamid Karzaï, s’était détourné de ses principaux soutiens et alliés occidentaux quand ceux-ci, et notamment Washington, ne l’avaient que mollement soutenu face aux accusations de fraude à grande échelle ayant entaché le scrutin présidentiel de 2009. Il ne s’était jamais réconcilié avec le président Barack Obama et ne faisait plus confiance aux Etats-Unis pour mener à bien les pourparlers de paix avec les talibans. Il avait donc décidé de négocier directement avec ces derniers, sans associer Washington. M. Karzaï était persuadé qu’il n’y avait qu’un moyen de résoudre le problème du terrorisme et des activités insurrectionnelles : débarrasser le pays des troupes étrangères et s’entendre avec les talibans sans intermédiaires. Ses efforts en vue d’un accord de paix avec ses « chers frères », comme il appelait les talibans, se sont poursuivis jusqu’au dernier jour de sa mandature, le 29 septembre 2014, mais sans résultat significatif.
Le président Ghani ne semble pas non plus vouloir des Etats-Unis pour relancer les pourparlers avec les talibans. Si, dans sa recherche de médiateurs, M. Karzaï avait joué la carte du Qatar, son successeur préfère faire appel à l’Arabie saoudite et à la Chine. A la suite de son voyage à Pékin, il a affirmé que les dirigeants chinois, forts de leurs relations avec le Pakistan, pouvaient servir d’intermédiaires avec ce pays qui sert de base arrière aux talibans (1) et faciliter les négociations avec l’organisation du mollah Omar, à l’heure où les troupes étrangères se retirent.
Signe des temps, les riches s’enfuient (...)
Les talibans ont consciencieusement éliminé les moudjahidins les plus aguerris, notamment ceux provenant de l’Alliance du Nord. De son vrai nom Front national islamique et uni pour le salut de l’Afghanistan, celle-ci a combattu le régime des talibans de la prise de Kaboul en 1996 jusqu’à sa chute en septembre-octobre 2001. Influente dans plusieurs minorités, notamment tadjikes, elle a joué un rôle important au début de la transition, avant d’être marginalisée par M. Karzaï au profit des Pachtounes (2). Parmi les survivants de l’organisation, beaucoup se consacrent désormais à leurs ambitions personnelles ou s’apprêtent à prendre leur retraite. En conséquence, il ne reste plus assez d’hommes d’expérience pour unifier les forces armées.
A Kaboul, la plupart des Afghans ordinaires rencontrés ne croient pas que les militaires puissent assurer leur protection. (...)
Si, pour les Occidentaux, la guerre est terminée, il n’en est rien pour les Afghans. Les mois de septembre et d’octobre ont été très meurtriers, et l’on s’attend à ce que la liste des victimes s’allonge. (...)
Les Afghans devront se défendre seuls. Sans armement lourd et sans capacité aérienne, il est douteux qu’ils soient à même de prendre en charge la sécurité de leur pays.
Car, malgré des milliards de dollars dépensés et la mort de deux mille trois cent quarante-neuf de leurs soldats, les Etats-Unis ont échoué à établir la paix et la démocratie. Le bilan des Afghans tués est lourd, même s’il est très difficile d’obtenir des chiffres précis : sans doute des dizaines de milliers de morts et des centaines de milliers de réfugiés. (...)