
La commission des lois a commis une erreur de droit et une faute politique en refusant d’examiner l’amendement confiant à la HATVP la compétence d’agréer les associations anti-corruption. https://t.co/3M18y2AspN
— Anticor (@anticor_org) May 14, 2021
Un mois après la polémique sur l’agrément ministériel d’Anticor, finalement validé par le Premier ministre, l’Observatoire de l’éthique publique avance ses pions pour modifier la procédure de délivrance du sésame qui permet aux associations anti-corruption d’agir en justice sans passer par le filtre du procureur. Mais le think tank se heurte à des résistances à l’Assemblée nationale. Entretien avec Raphaël Maurel, secrétaire général de l’Observatoire de l’éthique publique. (...)
Le 4 mai dernier, l’amendement du groupe parlementaire socialiste visant à confier la procédure d’agrément des associations anti-corruption à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) - plutôt qu’au ministère de la Justice - a été déclaré irrecevable par la commission des lois de l’Assemblée. A tort, selon le secrétaire général du think tank l’Observatoire de l’éthique publique (OEP), Raphaël Maurel, qui est à l’initiative de cet amendement. (...)
Raphaël Maurel : Avec les députés membres de l’OEP, nous avons travaillé une proposition d’amendement qui vient s’intégrer dans le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Il a été déposé en commission des lois, et prévoit que le gouvernement sorte de la procédure d’agrément, actuellement confiée aux services du ministère de la Justice. Pour éviter tout conflit d’intérêts vecteurs de polémiques, il est indispensable que l’agrément soit confié à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. De ce que je sais, cette institution indépendante ne verrait aucun inconvénient à prendre en charge cette responsabilité. Malheureusement, notre amendement a été déclaré irrecevable par la commission, qui l’a, selon mes informations, jugé inconstitutionnel. Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot.
Capital : Vous récusez l’interprétation de la commission des lois ?
Raphaël Maurel : La commission a jugé que notre proposition revenait à confier un pouvoir réglementaire général à l’autorité administrative indépendante qu’est la HATVP, alors que la Constitution prévoit qu’il s’agit d’une prérogative exclusive du Premier ministre. Mais l’agrément d’une association est une décision individuelle, que le législateur est tout à fait fondé à confier à une autorité autre que le chef du gouvernement. C’est la raison pour laquelle les agréments délivrés par l’AMF aux entreprises pour accéder aux marchés, par exemple, ne posent aucun problème de constitutionnalité. À mon sens, la commission des lois a donc commis une erreur de droit en jugeant l’amendement irrecevable. (...)
Raphaël Maurel : Nous savons qu’il s’agit d’une question particulièrement sensible, notamment pour certains députés qui s’opposent à ce qu’on dépossède le gouvernement du pouvoir d’agréer les associations. L’amendement que nous avons déposé prévoit donc de solliciter systématiquement la Cour des comptes, en amont du renouvellement de l’agrément, afin que celle-ci rende un rapport garantissant un contrôle optimal de la provenance, de l’usage et de la transparence des fonds des associations demandeuses de l’agrément. Il s’agirait d’un moyen efficace de sécuriser l’ensemble de la procédure, puisque la HATVP ne pourrait renouveler l’agrément d’une association qu’après l’avis de la Cour des comptes. (...)
Les députés membres de l’OEP ont déposé mercredi un nouvel amendement qui sera examiné en séance publique pour la confiance dans l’institution judiciaire. Dans l’exposé des motifs, nous démontrons que l’inconstitutionnalité soulevée par la commission des lois n’a aucun fondement. En espérant convaincre l’hémicycle une bonne fois pour toutes. La procédure actuelle, qui prévoit que le gouvernement délivre l’agrément pour agir en justice à des associations anti-corruption susceptibles de porter plainte contre certains de ses membres, comme on l’a vu avec les exemples d’Alexis Kohler et Eric Dupond-Moretti pour Anticor, n’est pas satisfaisante.
Il y a une apparence de conflits d’intérêts que critiquent à juste titre les associations et l’opinion publique. Quant au gouvernement, il a les mains liées par cette procédure. (...)