
À quand la parité sociale à l’Assemblée nationale ? Employés et ouvriers représentent la moitié de la population active et comptent pour dix fois moins parmi les député(e)s. Contrairement à la question du genre, la composition sociale intéresse peu, y compris dans les instances représentatives.
Le renouvellement politique de juin 2017 à l’Assemblée nationale a entraîné une forte augmentation de la part de femmes parmi les élus mais il ne s’est pas accompagné d’un renouvellement social. Si 4,6 % des députés sont employés, aucun n’est ouvrier, alors que ces catégories représentent la moitié de la population active, selon l’Institut Diderot [1]. À l’inverse, les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 76 % des élus, soit 4,4 fois plus que leur part dans la population active.(...)
Les catégories populaires (ouvriers et employés) représentaient un peu moins de 20 % des députés lors de la première législature (1946-1951) de la IVème République, soit 98 députés sur 522. Ce sera la représentation la plus forte depuis la création de l’Assemblée nationale jusqu’à aujourd’hui. En 1958, cette part était déjà ramenée à 4 %. La poussée de la gauche aux élections de 1967 (Vème République) a conduit à une remontée à 9 % de l’ensemble. Une législature qui dure peu : l’Assemblée est dissoute en mai 1968. Par la suite, la représentation des catégories populaires ne va cesser de se réduire, alors que cet ensemble constitue toujours environ la moitié de la population active.(...)
Il est bien difficile, quand on vient d’un milieu populaire, d’accéder à l’Assemblée nationale. Pour être candidat, il faut appartenir aux réseaux du pouvoir et tisser des liens qui dépassent la sphère politique (amis, relations de travail, etc.), savoir et oser s’exprimer en public. Il faut également pouvoir consacrer de longues heures à la politique au-delà de son temps de travail pour s’investir dans les réunions où les enjeux de pouvoir se décident. Les salariés les moins diplômés du secteur privé sont très défavorisés : en cas d’échec après un premier mandat, rien ne garantit leur avenir professionnel.
L’absence des milieux populaires résulte par ailleurs de deux grands facteurs : à la fois de l’effondrement du parti communiste (représentant historique de la classe ouvrière) et de l’embourgeoisement du parti socialiste, devenu un parti de diplômés. Pas plus que pour la représentation des sexes, celle des catégories sociales ne garantit une politique plus juste, mais le fait que les ouvriers et les employés ne s’y expriment plus devrait néanmoins préoccuper les commentateurs. L’écart est considérable entre l’ampleur du débat suscité par l’absence des femmes au Parlement et celui, presque inexistant, sur la représentation des milieux populaires. (...)