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L’État coule le transport fluvial
Article mis en ligne le 6 août 2019

Le gouvernement avait prévu d’augmenter le budget alloué à la gestion des voies navigables pour les moderniser et les développer. Il a fait machine arrière, pénalisant un mode de transport déjà en difficulté.

C’est la première fois que le vote annuel du budget de Voies navigables de France (VNF, cet établissement public à caractère administratif gère et exploite le réseau fluvial français) soulève une telle tempête. Tous les membres du conseil d’administration, parmi lesquels Transport et logistique de France (TLF, la première organisation professionnelle représentative des métiers du transport) et France Nature Environnement, s’opposent farouchement à l’État. Au point d’avoir tous signé le 20 décembre un communiqué de presse intitulé « Les voies navigables lâchées par le gouvernement ». Une manifestation de colère inédite dans le petit monde du transport fluvial. (...)

l’État a fait passer à la trappe ce complément budgétaire quelques jours seulement avant le vote du budget. « VNF ne pourra pas mener toutes les opérations nécessaires à la modernisation du réseau et à l’amélioration des conditions de navigation », déplore Christine Morel, présidente de la commission fluviale de Transport et logistique de France. Le budget a finalement été adopté mais sans le soutien des représentants des milieux économiques. Une première, là encore, dans un monde où prédomine le consensus.
Le transport fluvial émet en effet quatre fois moins de CO2 par quantité transportée que la route (...)

Des écluses sont déjà à la limite des normes de sécurité et les interruptions de trafic trop nombreuses. « Des travaux urgents sont à terminer ou à réaliser, l’achèvement de la réparation des écluses de Méricourt et de Vives-Eaux en aval et en amont de la Seine notamment, et la remise en état des berges dégradées par les importantes crues de l’hiver dernier. Pour les entreprises, la fiabilité et la sécurité du réseau sont primordiales », rappelle Christine Morel. (...)

La comparaison avec nos voisins européens est peu flatteuse (...)

Gérard Allard, de FNE, pointe un autre risque. Il est question, dans le cadre de la LOM de fermer à la navigation les 20 % du réseau fluvial les moins fréquentés. « Cela serait le prélude à d’autres abandons et un vrai gâchis », considère-t-il. Les trafics sur ces réseaux secondaires ne représentent qu’un peu moins de 10 % du trafic fluvial. Mais ils permettent aux territoires d’avoir une solution de transport de substitution à la route et ils « rapatrient » du volume vers les voies à plus grands gabarits. (...)

L’abandon progressif du trafic fluvial sur les lignes de moindre gabarit n’est pas sans rappeler celui du « wagon isolé », qui permettait de massifier les flux de fret ferroviaire sur l’ensemble du territoire. Résultat : la part du fret ferroviaire a été réduite de moitié en 20 ans, à moins de 10 % actuellement. Seules subsistent aujourd’hui quelques « autoroutes » ferroviaires rentables, souvent sous-traitées à des opérateurs privés, sur lesquels voyagent les aciers d’ArcelorMittal ou les produits chimiques d’Arkema. « La France est le seul pays d’Europe occidentale où le fret ferroviaire s’est effondré. Il faut éviter qu’il en aille de même pour la voie d’eau, mais, pour cela, l’État doit investir massivement et sur la durée », insiste Gérard Allard. (...)

La logique d’un commerce international frénétique (...)

La réticence des entreprises vis-à-vis du transport fluvial s’inscrit dans la logique d’un commerce international frénétique, avec l’arrivée en masse en Europe de porte-conteneurs géants en provenance d’Asie. Or cette concurrence impose une rentabilité de plus en plus élevée aux chaînes logistiques, avec comme maîtres-mots « juste à temps » et flexibilité. Une règle qui a imposé le règne du tout camion. (...)

Quelques entreprises ont entrepris de relever le défi du fleuve. C’est le cas de Franprix. L’enseigne de grande distribution fait transiter ses marchandises par barges depuis le port de Bonneuil-sur-Marne, au sud de Paris, jusqu’au quai de la Bourdonnais, au pied de la tour Eiffel, ce qui permet de désengorger les entrées routières de la capitale. Lafuma a lui aussi misé sur la voie d’eau. (...)

Mais ces entreprises font figure d’exceptions et en manquant à ses engagements vis-à-vis du transport fluvial, le gouvernement fragilise encore un peu plus un secteur en difficulté.