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le Monde
L’Inde affronte une crise de l’eau sans précédent
Article mis en ligne le 25 juin 2019

La mousson, qui assure habituellement 70 % des précipitations annuelles, connaît un retard dramatique.

Emeutes au Madhya Pradesh, où la police est chargée de surveiller, nuit et jour, les dernières réserves d’eau disponibles, fermeture des écoles au Karnataka, où les cantines ne peuvent plus donner à boire aux enfants, villageois du Maharashtra réduits à réutiliser leurs eaux de vaisselle pour cuisiner… La panique s’empare de l’Inde et la nouvelle ministre des finances, Nirmala Sitharaman, a été chargée de mettre les sujets traitant de l’eau et de l’agriculture en tête des annonces qui seront faites le 5 juillet, lors de la présentation du budget de la nation. (...)

La mousson, qui assure habituellement 70 % des précipitations annuelles, accuse un retard dramatique que les experts attribuent au réchauffement de la planète. Si les premières pluies ont fini par toucher le 8 juin les côtes du Kerala, à la pointe sud du sous-continent, le cyclone Vayu qui a balayé la mer d’Arabie la semaine suivante a retardé leur traditionnelle progression vers le nord. Elles n’ont atteint Goa que jeudi 20 juin, à l’ouest, puis les Etats bordant le golfe du Bengale le lendemain, à l’est. Et elles ne devraient arroser la capitale économique du pays, Bombay, qu’à partir de lundi 24 juin au mieux, soit deux semaines plus tard que d’habitude. (...)

Dans ces conditions, les autorités ont recommandé aux paysans de patienter avant de se lancer dans les semis, faute de quoi les graines risquent de mourir avant de germer, et les rendements se révéler désastreux à l’automne.
Recours aux importations

Le message a été entendu. D’après le dernier pointage réalisé par le ministère de l’agriculture, mi-juin, les surfaces ensemencées (8,2 millions d’hectares) sont de 9 % inférieures à celles de juin 2018. Le riz connaît une baisse de 22 %, mais les variétés les plus retardées, du fait de leur sensibilité à la sécheresse, sont les légumes à gousse (– 52 %) comme le soja et les lentilles, aliment de base en Inde, et les oléagineux (– 41 %) comme le tournesol et le sésame. L’inquiétude est grande, car si l’Inde est plus qu’autosuffisante en riz et en blé, la sécheresse va entraîner dans quelques mois un plus grand recours aux importations de légumes secs et d’huiles, et son corollaire, une hausse des prix. (...)

Enfin, de nouvelles tensions sur les prix de l’agroalimentaire conduiraient la Banque centrale à réviser sa politique, elle qui a décidé de baisser son taux directeur le 6 juin pour réactiver une croissance en berne (5,8 % au ­premier trimestre 2019, le plus mauvais score depuis cinq ans), jugeant que l’inflation était actuellement « sous contrôle ». En Inde, les denrées alimentaires constituent près de la moitié de l’indice national des prix à la consommation. (...)

En attendant, les exécutifs régionaux traitent les urgences comme ils le peuvent. (...)

Les hôpitaux de la ville, pour l’instant, se ravitaillent par camions-citernes et n’ont d’autre choix que de répercuter la hausse du prix de l’eau – qui a doublé en quelques semaines – sur le tarif des lits. Plusieurs hôtels, eux, ont décidé de fermer, à défaut de pouvoir alimenter leurs salles de bains. « La crise est en train de tourner lentement à la catastrophe », estime le journal Mint. (...)

Cette crise était néanmoins prévisible, si l’on en croit NITI Aayog, un groupe d’experts qui accompagne le gouvernement dans ses choix économiques. L’agence avait souligné, en juin 2018, l’ampleur du défi qui attend un pays ne disposant que de 4 % des réserves d’eau de la planète, alors qu’il abrite 16 % de sa population. « Six cents millions d’Indiens souffrent de stress hydrique et la situation va empirer. D’ici à 2030, la demande en eau sera deux fois supérieure à l’offre, entraînant de graves pénuries pour des centaines de millions de personnes », note-t-elle. (...)

« L’Inde ne collecte que 8 % des eaux de pluie, c’est l’un des taux les plus bas au monde », fait remarquer Parameswaran Iyer, haut fonctionnaire au sein de cette nouvelle administration, alors qu’elle est le pays qui pompe le plus au monde dans les nappes souterraines, au moyen de 12 millions de puits, le plus souvent illégaux.

Pas de traitement des eaux usées (...)