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LA RÉVOLUTION ET NOUS le blog historien de Claude Guillon
L’ a-théorie du genre ? Quelle drôle de non-idée !
Article mis en ligne le 3 février 2014

Dans la logique de l’actuelle recomposition/décomposition de l’extrême droite, et dans la suite des manifestations religieuses contre l’ouverture du mariage aux homosexuel(le)s, lors desquelles on avait assisté (en 2013) au spectacle croquignolet de militant(e)s catholiques brandissant des pancartes proclamant « On veut du sexe, pas du genre ! », une nouvelle offensive idéologique vise l’école et les enseignements destinés à prévenir les inégalités entre les filles et les garçons.

J’avais déjà souligné, à propos du slogan ci-dessus rappelé, à quel point la relative banalisation (récente et fragile) des thèmes égalitaristes dans les institutions (droit pénal, école, etc.) provoque ou aggrave un trouble profond d’une partie des populations occidentales face aux questionnements de genre. Particulièrement les personnes pour lesquelles les superstitions religieuses (on me pardonnera ce pléonasme commode) demeurent les seuls cadres de pensée susceptibles de les rassurer devant le vide aspirant de la mondialisation marchande.

Il s’agit aussi dans certains secteurs, et de manière parfaitement délibérée cette fois, d’amplifier le « retour de bâton » (en anglais backlash[1]) contre les avancées du droit des femmes, portées par les féministes depuis les années 1970. On en voit les signes les plus récents aussi bien dans tel manifeste prônant la sanctuarisation de la prostitution à l’usage des hommes (France) que dans les régressions du droit à l’avortement (Espagne).

Lorsque ce pot-pourri de haines recuites et de terreurs archaïques semble manquer par trop de « liant », c’est le vieux fond de sauce antisémite qui reprend du service : le soi-disant humoriste Dieudonné affirme ainsi — sérieusement, hélas ! — que « le sionisme est derrière les mouvement féministes hystériques » (à Alger, le 14 février 2013, voir Liberté-Algérie.com).

Le « genre » ou gender, en américain dans le texte français, est donc devenu une cible, non pas tant d’universitaires bousculé(e)s dans leurs habitudes (il y en a aussi), que d’activistes par SMS semant la panique dans des familles, de préférence ouvrières et d’origine maghrébine, en inventant je ne sais quel apprentissage de la masturbation en classe. (...)

Au centre de la question du genre, c’est-à-dire de ce que l’on a appelé longtemps en France les « rapports sociaux de sexe » (c’est bien long !), se trouve la question de l’articulation entre « nature » et « culture ». Il n’y a de « question » qu’intellectuelle ; il s’agit donc d’idées, lesquelles sont maniées, consciemment, ou au contraire de manière innocemment intériorisée, en fonction de théories : théories politiques, théories du langage, théories de la connaissance, etc. Ainsi, l’existence de quelque chose qui mérite d’être désignée comme « la nature » peut-elle être questionnée, et mérite de l’être. Questionner une notion suppose évidemment de l’identifier comme telle, et non comme une donnée immanente, de préférence préexistante à toute pensée humaine. On reconnaît ici le spectre de l’utopie la plus nuisible à la pensée humaine, quoi qu’elle en procède, je veux dire « dieu ».

Cela ne signifie pas pour autant que le questionnement, ou la mise en questions d’une notion vise systématiquement son éradication. (...)

Une grande part des questions que la philosophie, l’histoire, la sociologie, l’ethnologie, etc. permettent de poser trouvent leur valeur pour la pensée humaine, non pas dans les réponses qu’elles peuvent produire, mais bien plutôt dans les échanges, les associations d’idées, les découvertes de hasard qu’elles nécessitent et suscitent. (...)

L’une des définitions du concept de genre donnée par Joan W. Scott est la suivante : « Le genre est une façon première de signifier des rapports de pouvoir. Ce serait mieux de dire, le genre est un champ premier au sein duquel, ou par le moyen duquel le pouvoir est articulé[6]. »

Elle évoque, dans un autre texte, l’utilité, notamment en histoire, des questions que le genre permet de poser (...)

la théorie (c’en est une) d’origine philosophique et/puis révolutionnaire des « droits naturels de l’homme » (ou de la personne), n’a rien de « naturelle », quoi qu’elle se prétende fondée par la nature…

C’est une vision du monde. Un parti-pris philosophique, au fondement de la République. (...)

Contre toutes les religions et contre toutes les idéologies autoritaires, l’histoire des femmes et du genre, la lutte actuelle pour la complète égalité des droits, sans oublier leur indispensable extension, constituent un axe d’action et de réflexion privilégié.