
La France doit quitter le Traité sur la charte de l’énergie, car il est une arme entre les mains des multinationales pour ralentir ou bloquer des politiques climatiques ambitieuses.
Longtemps resté dans l’oubli, le Traité de la charte de l’énergie (1), regroupant plus d’une cinquantaine d’États (de l’Europe occidentale au Japon en passant par l’Asie centrale), est aujourd’hui utilisé par les multinationales de l’énergie pour attaquer les pouvoirs publics lorsque ces derniers prennent des mesures en matière de transition énergétique qui contreviennent à leurs intérêts. Ainsi, parmi des dizaines de cas, l’entreprise suédoise Vattenfall poursuit l’Allemagne pour sa décision d’abandonner le nucléaire ; l’entreprise allemande Uniper attaque les Pays-Bas pour leur décision de fermer des centrales à charbon ; l’entreprise britannique Rockhopper s’en prend à l’Italie à la suite de son moratoire sur les forages offshore.
De « l’Affaire du siècle » aux mises en demeure de Total, une grande attention a récemment été portée sur les actions entreprises par des ONG, des citoyens ou même des collectivités territoriales pour obtenir devant la justice des décisions favorables concernant le climat : il s’agit de mobiliser les embryons de droit international et national sur les enjeux climatiques pour obliger les entreprises et les États à faire plus en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. Une moindre attention est portée aux outils de droit dont disposent les multinationales pour dissuader et sanctionner les États ainsi que les collectivités territoriales. (...)
Une étude (3) a documenté l’utilisation du Traité de la charte de l’énergie par les multinationales de l’énergie qui réclament des sommes faramineuses aux États. Si elles ne sortent pas gagnantes à chaque fois, elles peuvent faire pression sur les pouvoirs publics pour retarder ou amoindrir la portée des lois de transition énergétique. C’est ce qui est advenu en France lors de l’examen de la loi Hulot sur les hydrocarbures (...)
Cette confrontation entre un droit du climat encore incomplet et peu contraignant et un droit de l’investissement robuste et contraignant ne fait sans doute que commencer. La transformation des soubassements énergétiques de notre formidable machine à réchauffer la planète qu’est l’économie mondiale doit nécessairement conduire à revoir fortement à la baisse la durée de vie des infrastructures pétrolières, gazières et charbonnières. Les entreprises privées, qui en sont le plus souvent propriétaires, ne vont pas s’abstenir de faire valoir leurs droits devant ces outils de justice parallèle (les mécanismes d’arbitrage entre États et entreprises : ISDS, ICS, etc.) auxquels les pouvoirs publics leur ont donné accès. (...)
C’est la raison pour laquelle une vingtaine d’organisations de la société civile en Europe, parmi lesquelles l’Aitec, Attac France, les Amis de la Terre France ou le CCFD-Terre solidaire, ont appelé les États membres de l’Union européenne à quitter le Traité de la charte de l’énergie (5). Alors que la COP 25 a été transférée à Madrid, l’UE et les États européens, à commencer par la France et Emmanuel Macron, feraient bien de suivre ce conseil plutôt que nous entraîner droit dans le mur.
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280 organisations appellent les Etats de l’UE à sortir du Traité sur la charte de l’énergie
Plus de 280 organisations de la société civile, dont 25 organisations françaises (parmi lesquelles Attac France, Amis de la Terre, CCFD – Terre Solidaire ; Institut Veblen, Greenpeace, etc), réclament aux États membres du Traité sur la Charte de l’énergie, dont la France, de mettre fin aux protections dont dispose le secteur des énergies fossiles, alors qu’un processus de révision de ce Traité débute ce 11 décembre à Bruxelles. Au moment où l’UE et sa nouvelle Commission prétendent faire plus en matière climatique, il est urgent de désarmer ce Traité. (...)
Ce 2 juin, à Bruxelles, se déroulent des négociations sur le futur de ce Traité : des citoyens de toute l'Europe disent #StopTCE
Il est temps de mettre fin à ce Traité qui donne des droits exorbitants aux multinationales des énergies fossiles pic.twitter.com/IsgxVljJVH— Maxime Combes (@MaximCombes) June 2, 2020