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L’âge de la retraite va passer à 63 ans alors que le chômage de longue durée s’aggrave pour les « seniors...
Article mis en ligne le 30 octobre 2015

Une nouvelle réforme des retraites est en train de passer en catimini. Plusieurs partenaires sociaux ont conclu un accord de principe qui doit être signé ce 30 octobre : l’âge de départ à la retraite va s’allonger d’un an – à 63 ans – si les futurs retraités ne souhaitent pas subir une dévalorisation de leurs pensions. Problème : malgré les précédentes réformes, les entreprises n’ont pas fourni d’efforts suffisants pour garder en activité leurs salariés de plus de 55 ans. Ceux-ci sont encore nombreux à être poussés vers la sortie, voire à connaître le chômage de longue durée, même si certains cadres arrivent à rebondir. Dans ces conditions, un nouvel allongement des cotisations aggravera davantage les inégalités. Enquête.

L’âge de départ en retraite sera encore repoussé. Les organisations patronales et trois organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC et CFTC) sont en train de se mettre d’accord pour réformer le système de retraites complémentaires Agirc-Acco. Objectif : 6,1 milliards d’économies à l’horizon 2020. Dans le cadre de cet accord, la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera allongée d’un an. A partir de 2019, si un senior préfère partir à 62 ans, soit l’âge légal de départ à la retraite pour le régime général, il perdra 10% de sa retraite complémentaire pendant deux ans. S’il choisit de partir à 63 ans, aucun malus ne s’applique. Cotiser plus longtemps ou accepter une pension plus faible, telles seront les options à choisir. Ce qui aggravera encore davantage les inégalités existantes. Car à plus de 55 ans, que l’on soit cadre ou ouvrier, homme ou femme, et sous la menace du chômage de longue durée, les perspectives seront bien différentes. François Hollande estime qu’il ne s’agit pas « d’un report de l’âge de la retraite » mais d’une « liberté » laissée aux salariés... Quant aux syndicats, ils sont partagés : CGT et FO ont refusé l’accord de principe, ce dernier qualifiant le dispositif de « catastrophique ». (...)

« Si la France a rattrapé son retard au sein de l’Europe pour le taux d’emploi des 55-59 ans, elle reste très en dessous des niveaux européens pour les 60-64 ans et n’a pas réussi à significativement allonger la vie active. Surtout, le chômage des seniors s’est accru plus vite que pour les autres catégories d’âge depuis 2008 », détaille Anne-Marie Guillemard, sociologue et professeur des universités. Le taux de chômage des 55-64 ans s’établit actuellement de 7%, selon la Dares [2]. « La France n’a donc toujours pas vraiment résolu la question de l’emploi des seniors », conclut Anne-Marie Guillemard.
L’obsolescence programmée du salarié

L’OCDE, dans son rapport Mieux travailler avec l’âge en France souligne pudiquement que « la transition de l’emploi à la retraite est particulièrement précoce et problématique pour de nombreux seniors ». Seul un salarié sur deux est passé directement de son emploi à la retraite entre 2008 et 2011. Cela signifie que les autres (45%) connaissent le chômage ou des dispositifs intermédiaires de sortie de l’emploi. « Après 55 ans, le marché du travail est caractérisé par d’importantes sorties d’emploi », reconnaît même le très néolibéral Institut Montaigne, dans son enquête sur l’emploi des seniors [3].

La cause ? Les seniors, dont les salaires ont progressé tout au long de leur carrière, sont souvent jugés trop chers tandis que, à l’aune des critères de rentabilité immédiate, ils deviendraient moins productifs avec le temps. (...)

Un tiers des salariés vulnérables sont mis à la porte après 50 ans

Les salariés âgés accèdent moins fréquemment que leurs cadets à la formation. En 2006, environ un tiers des salariés âgés de 50 ans et plus ont déclaré avoir suivi une formation au cours des 12 derniers mois, contre la moitié des salariés plus jeunes.
En outre, la pénibilité du travail n’étant pas gérée au fil de la carrière, les salariés concernés s’épuisent plus rapidement. (...)

Plutôt que gérer cet aspect de santé tout au long de la vie professionnelle, comme certaines filières industrielles allemandes qui veillent à éviter de maintenir trop longtemps un employé sur un poste pénible [6], le patronat français préfère la solution de facilité : près d’un tiers des salariés les plus vulnérables sont mis à la porte des entreprises après 50 ans. (...)

Quand la rupture conventionnelle remplace les pré-retraites

La rupture conventionnelle semble devenir le mode privilégié par les sociétés pour encourager les salariés quinquagénaires à partir. En moyenne, 16% des fins de CDI pour licenciement sont des ruptures conventionnelles. (...) « Pour la CGT, ce dispositif est surtout favorable aux employeurs qui mettent une pression sur les salariés afin qu’ils acceptent, note Pierre-Yves Chanu. Surtout, ils ne les informent pas que cela réduira de fait le niveau de leur pension. » (...)

Une fois au chômage, le risque principal est que la situation s’enlise. « Tout le monde peut se retrouver au chômage, analyse Gérard Cornilleau, économiste à l’OFCE [9]. Mais quand on est senior, parfois dès 50 ans, on tombe dans une trappe dans laquelle il est très difficile de sortir : le chômage de longue durée. » En clair : si les entreprises ne licencient plus massivement les seniors, ils ne les recrutent pas non plus. Tandis qu’en 2007, les plus de 55 ans ne représentaient « que » 8% des chômeurs très éloignés de l’emploi, ils correspondent désormais au quart (24%) de cette catégorie en 2013. (...)

« Malgré huit lois successives, les femmes en France gagnent toujours 27% de moins que les hommes, tous temps de travail confondu. Or qui dit inégalités salariales, dit faibles pensions de retraites : les femmes ont ainsi des pensions inférieures de 40% à celles des hommes. Elles ont encore aujourd’hui des carrières plus courtes que les hommes, elles partent en retraite en moyenne plus tard », pointe un collectif d’associations pour le droits des femmes, dans une lettre ouverte adressée aux trois syndicats signataires de l’accord [10].

Devenir un créateur d’entreprise quand on est un « senior chômeur » n’est pas à la portée de tous. Les ouvriers et employés au chômage ne disposent pas des ressorts et des réseaux d’un cadre. Ceux qui peuvent compter sur la solidarité de leur famille et, surtout, de leur conjoint ont plus de chance de réussir. Ce qui signifie que leurs proches doivent aussi en avoir les moyens. La solidarité privée succède alors à celle, publique, de la société. De quoi encore renforcer les inégalités. Est-ce bien la volonté des organisations syndicales qui s’apprêtent à signer l’accord ?