
L’association à la tête de la plus grande école Loubavitch d’Europe, une communauté juive ultraorthodoxe, fait l’objet de dizaines de signalements à Paris. Une enquête est ouverte depuis août par le parquet pour « abus de confiance », « travail dissimulé » et « escroquerie ». La mairie a décidé la fermeture de l’une de ses trois crèches.
En interne, des bénévoles de l’association Jeunesse Loubavitch, qui gère notamment à Paris la plus grande école Loubavitch d’Europe, avec plus de 2 500 élèves de la crèche à la terminale, ont décidé d’alerter sur les pratiques de la direction. En cause, les méthodes des frères Mendel et Levy Azimov qui ont repris la présidence de cette association reconnue d’utilité publique après la mort, en 2014, de leur père, le rabbin Shmouel Azimov, leader incontesté du mouvement Loubavitch en France.
Depuis des années, les structures de cette association reçoivent des subventions très importantes de différents acteurs publics. La ville de Paris, par exemple, a versé près de 320 000 euros à l’école Beth Hanna, sous contrat simple, en 2021, et plus de 100 000 euros à l’une de ses trois crèches.
En 2018, le collège-lycée (non mixte) a perçu près de 300 000 euros de la direction des affaires scolaires, 400 000 euros du rectorat et 200 000 euros de la région Île-de-France. L’établissement étant sous contrat, l’État rémunère les enseignants, et la direction a l’obligation d’accueillir les enfants « sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance ». (...)
D’après les informations recueillies par Mediapart, plusieurs signalements ont été adressés ces derniers mois à la Direction générale des finances publiques, à l’inspection du travail et au parquet de Paris. Ce dernier a d’ailleurs ouvert une enquête en août 2021 pour « abus de confiance », « travail dissimulé » et « escroquerie », a confirmé une source judiciaire.
Les investigations ont été confiées à la Brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA). Le président de Jeunesse Loubavitch, Mendel Azimov, est également accusé de mettre en danger les élèves de l’école située dans le XIXe arrondissement de Paris.
Les signalements aux autorités civiles ont été effectués, malgré « le véritable climat de terreur » que feraient régner les frères Azimov au sein de la communauté, selon plusieurs témoins. (...)
La colère a même gagné des parents d’élèves de l’école de l’association. (...)
Le président de l’association rémunéré dans des conditions douteuses (...)
Un dernier point, enfin, est particulièrement sensible pour la direction du Beth Loubavitch. La communauté est en effet soupçonnée, dans des signalements effectués aux autorités judiciaires, d’avoir progressivement instauré une monnaie parallèle échappant à tout contrôle.
Le système mis en place, appelé « compte C3 », est administré sur la base de la confiance par le comptable du mouvement, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions. Concrètement, le compte C3 est alimenté par les dons de fidèles, puis mis à disposition des délégués du Beth Loubavitch (environ 150 rabbins en Île-de-France), qui l’utiliseraient pour des dépenses personnelles dans des enseignes partenaires, ce qui pourrait s’apparenter à du « salaire déguisé », estiment des témoins. Actuellement selon les signalements effectués, environ 1,5 million d’euros seraient ainsi en circulation en toute opacité.