
À cause de la sécheresse, plus d’une centaine de communes françaises se sont retrouvées privées d’eau potable au robinet, en ce début août 2022. Les scientifiques Alice Schmitt et Julie Mendret, de l’Université de Montpellier, reviennent sur l’origine et les traitements de cette eau courante si précieuse. Parce qu’elle est l’aliment le plus contrôlé de l’Hexagone, elle est généralement plus sûre que l’eau en bouteille – qui, elle, est source de pollution plastique.
Deux tiers de l’eau potable produite sont captés dans les eaux souterraines (nappes phréatiques), le tiers restant provient des eaux superficielles, appelées également eaux de surface (rivières, fleuves, lacs, barrages). Les nappes et rivières sont alimentées grâce aux précipitations sous forme de neige et de pluie puis aux ruissellements et infiltrations engendrés.
Les activités humaines telles que l’agriculture et l’élevage et leurs conséquences comme la déforestation, la destruction de zones humides ou encore les changements climatiques engendrent des modifications significatives dans ce cycle, et notamment dans les flux d’eau transportés. (...)
Une fois captée, l’eau est acheminée jusqu’à une usine de potabilisation pour être traitée. Le traitement appliqué dépend de la qualité initiale de l’eau captée. (...)
35 % de l’eau potable étant utilisée pour l’industrie et l’électricité et 45 % pour l’agriculture, bien qu’il ne soit pas forcément nécessaire d’utiliser de l’eau potable. La réutilisation des eaux usées traitées est encore très limitée en France du fait d’une réglementation stricte et reste minoritaire pour ces usages.
Une eau distribuée très réglementée (...)
Globalement, la qualité de l’eau courante en ville est excellente en France où presque 100 % des communes de plus de 50 000 habitants et 98 % de la population totale ont consommé une eau de très bonne qualité microbiologique toute l’année en 2020.
Concernant les pesticides, principalement issus du ruissellement et de l’infiltration dans les sols, 94 % de la population française a consommé une eau respectant les limites réglementaires toute l’année en 2020. Cependant, les dépassements détectés ayant été limités en concentration et dans le temps, il n’a presque jamais été nécessaire de mettre en place une restriction de consommation de l’eau du robinet.
Le risque de la consommation de pesticides à faibles doses sur la santé à long terme est encore mal connu mais très probable, notamment sur la population sensible comme les enfants et les femmes enceintes.
Des problèmes ponctuels peuvent apparaître du côté des très petites communes (moins de 500 habitants) (...)
La présence d’un plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux, indiquant les mesures à prendre en cas de problème, sera obligatoire d’ici 2027 grâce à la refonte de la directive « Eau potable » du 16 décembre 2020.
Pourquoi utiliser l’eau du robinet plutôt que l’eau en bouteille ?
La France est très consommatrice de bouteilles d’eau, conséquence d’un lobbying de la part des marques qui ont convaincu les Français que l’eau embouteillée était meilleure que l’eau du robinet.
Il s’agit d’abord de préserver l’environnement, car l’eau dite minérale implique l’utilisation de bouteilles et bouchons en plastique comme contenants. (...)
Mais il s’agit aussi d’un enjeu de santé publique lié à la présence de microplastiques dans les eaux. Ils sont majoritairement dus à la dégradation d’objets en plastique plus imposants tels que les bouteilles. Chaque semaine, nous ingérons l’équivalent d’une carte de crédit en plastique, principalement via l’eau que nous buvons – au robinet et en bouteille – mais également dans une moindre mesure via la nourriture consommée, notamment les crustacés, ou encore l’air que nous respirons (il s’agit d’une moyenne estimée mondialement et non uniquement en France).
Réduire voire supprimer l’utilisation du plastique, notamment en ne consommant plus d’eau en bouteille, permettrait de diminuer la présence de microplastiques dans les océans.
De plus, certaines eaux en bouteille fortement minéralisées sont à consommer ponctuellement et leur usage quotidien reste déconseillé. (...)
Il est également important de souligner que l’eau en bouteille, prélevée dans les ressources souterraines, contient également d’infimes quantités de polluants de type pesticides ou médicaments.
Pour finir, la consommation d’eau en bouteille pour la boisson (soit 1,5 litre par jour et par personne) revient au minimum 100 fois plus cher que celle de l’eau du robinet. (...)