
Dans un film documentaire de Pierre Carles (2001), Pierre Bourdieu disait : « la sociologie est un sport de combat ». Il s’avère que l’économie est un sport de coups bas[1]. Faut-il que les tenants de l’idéologie économique libérale la plus réactionnaire se sentent mal en point pour qu’ils se livrent à une attaque méprisante et odieuse contre tous ceux qui ne pensent pas comme eux.
Deux représentants parmi les plus titrés de la pensée mainstream, Pierre Cahuc et André Zylberberg, publient un ouvrage nauséabond Le négationnisme économique, Et comment s’en débarrasser, dans lequel ils appliquent le concept de négationnisme, inventé pour qualifier ceux qui nient les crimes nazis, aux économistes hétérodoxes. Et les magazines racoleurs de droite, du Point à Challenges leur font écho.
Pauvres citoyens ignorants que nous sommes, nous ne nous doutions pas que l’économie était devenue « depuis 30 ans » une science. 30 ans, diable, quelle découverte majeure a ouvert la nouvelle ère en 1986 ? Une recherche approfondie sur Wikipédia nous apprend que 1986 fut « une année commune commençant un mercredi » et que, parmi les événements marquants, il y eut le passage de la comète de Halley, la catastrophe de Tchernobyl, le prix du baril de pétrole pour la première fois sous les 10 dollars et la réunion à Assise, organisée par Jean-Paul II, des représentants de toutes les religions pour parler de la paix. Ce doit être ça le moment fondateur : l’avènement d’une religion planétaire en faveur de l’économie scientifique. (...)
Deux aveugles, les Cahuc-Zylberberg (C et Z). Ils ne voient pas les interactions sociales, ni l’économie comme politique, ni l’économie dans le champ des sciences sociales, ni l’histoire. Voient-ils quelque chose ? Oui, ils voient les études qui partent de l’hypothèse que la RTT ne crée aucun emploi et qui concluent que la RTT ne crée aucun emploi ; celles qui partent de l’hypothèse que les dépenses publiques sont néfastes et qui concluent qu’il faut les réduire ; celles qui partent de l’hypothèse que la finance crée de la stabilité et qui concluent que la stabilité sera fonction de la liberté accordée à la finance. Et, comble de la vision extra-lucide, les deux aveugles voient des économistes hétérodoxes partout, à l’université, dans les médias : les « Économistes atterrés » et ceux d’Attac peuplent tellement les journaux, les radios et les télés que, sans doute, on a dû généraliser la TNT pour eux. (...)