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L’édito de Jérôme Cazadieu après les révélations de Mediapart sur le PSG : « The troll digital army of PSG ...
#psg #BigBrother #Digital #mediapart #faux_comptes
Article mis en ligne le 13 octobre 2022

On connaissait la Red Army, le surnom donné aux supporters de Liverpool qui sillonnent l’Europe pour soutenir et applaudir leur équipe. On découvre désormais « l’armée numérique » du Paris-Saint-Germain, The Troll Digital Army, une armée de trolls qui aurait mené des campagnes de cyberharcèlement envers ses propres joueurs (Adrien Rabiot, Kylian Mbappé), des dirigeants du football français (Jean-Michel Aulas), des médias considérés comme hostiles (L’Équipe et Mediapart) mais aussi des journalistes, dont moi-même.

Révélée mercredi par Mediapart, cette gravissime affaire met en lumière le rôle funeste joué par la direction de la communication du PSG, qui aurait commandé à une agence de (mauvaise) influence, Digital Big Brother, de mener des opérations de dénigrement contre tous ceux qui étaient soupçonnés d’en vouloir au PSG. Le site d’investigation s’appuie sur un rapport de cette même agence, qui recense les raids menés entre 2018 et 2020 par « l’officine » du club parisien.

Quels étaient alors les griefs de la direction du PSG contre L’Équipe qui avaient conduit à interdire à notre média d’assister aux entraînements et aux conférences de presse ? Deux unes : la première sur l’ouverture d’une enquête judiciaire pour des soupçons de trucage lors du match de Ligue des champions entre le PSG et l’Étoile Rouge Belgrade, le 13 octobre 2018. La seconde, le 8 décembre 2018, sur les risques pour le PSG de devoir se séparer d’une de ses deux stars, Neymar ou Kylian Mbappé, en cas de sanctions pour violation du fair-play financier. (...)

Une campagne de dénigrement #boycottlequipe essaimait alors sur les réseaux sociaux avec son flot d’insultes, jusqu’à recevoir des vidéos menaçantes, à l’image d’un homme violemment frappé au visage adressé sur mon compte personnel.

Cette nouvelle affaire intervient au moment où la justice s’intéresse depuis plusieurs mois aux soupçons d’opérations de « barbouzeries » menées par un lobbyiste et un ancien policier, qui seraient en lien avec cette même direction de la communication du PSG. (...)

Lire aussi :

Révélations sur « l’armée numérique » du Paris Saint-Germain

Le PSG a chargé une agence externe de créer une « armée » de faux comptes Twitter qui a mené des campagnes violentes et ordurières, notamment contre des médias et des personnalités du club de football. Mediapart est l’une de ses cibles privilégiées. Même Kylian Mbappé a été égratigné. (...)

« Adrien Rabiot. Gros FDP. Ça bouge pas. » En apparence, il s’agit d’un tweet vulgaire contre l’ancien milieu de terrain du PSG, mais tristement banal dans l’océan des réactions sur les réseaux sociaux. En réalité, ce message posté le 7 mars 2019 fait partie de centaines d’autres qui ont été publiés par des comptes téléguidés en sous-main par la direction de la communication du Paris Saint-Germain.

Alors que la justice française s’intéresse aux opérations troubles menées pour le compte du club de football par un lobbyiste et un ancien policier (lire ici), Mediapart a obtenu un rapport qui détaille par le menu les opérations d’influence effectuées pour le PSG par un sous-traitant entre 2018 et 2020.

Ce document révèle que le club, détenu par l’État du Qatar, a créé sur Twitter une « armée numérique » de faux comptes, chargée de mener des raids très violents et souvent grossiers contre de nombreuses cibles : des médias jugés hostiles au PSG comme Mediapart et L’Équipe, le supporter giflé par Neymar (lire notre enquête ici), la jeune fille qui a accusé la star brésilienne de viol, mais aussi des personnalités du club comme le joueur Adrien Rabiot et l’ancien directeur sportif Antero Henrique. Stupeur : même l’icône Kylian Mbappé a été égratigné lorsqu’il a laissé entendre qu’il pourrait quitter le club en 2019. (...)

Notre document de 50 pages est un rapport, réalisé par l’agence Digital Big Brother (DBB), qui fait le bilan de son activité pour le compte du PSG pour la saison 2018/2019. Immatriculée à Barcelone, DBB est contrôlée par Lotfi Bel Hadj. Cet homme d’affaires franco-tunisien est à la tête d’une myriade de sociétés qui louent leurs services à des personnalités, des entreprises ou des États pour gérer leur communication numérique. (...)

Le rapport précise que cette armée de trolls créée par DBB était supervisée par le service communication du PSG, dirigé à l’époque par Jean-Martial Ribes. Il a été pendant sept ans l’un des plus proches collaborateurs de Nasser al-Khelaïfi, le patron du club, jusqu’à son départ en mai dernier pour le service communication d’une filiale du géant du luxe LVMH.

Contacté, le PSG indique que « le club n’a jamais contracté avec une agence afin de nuire à des individus et à des institutions ». Selon nos informations, s’il n’y a en effet pas eu de contrat avec le club, c’est bien le PSG qui payait les prestations d’influence numérique réalisées par Digital Big Brother. (...)

Dans son rapport d’activité 2018/2019 destiné au PSG, DBB utilise un ton très opérationnel. Après un bref panorama des événements heureux et malheureux de la saison, l’agence décrit son « armée numérique » : « Il s’agit d’une armée de comptes Twitter “partenaires” . À la différence des célèbres “fermes à trolls”, nos “partenaires” ont une existence réelle. L’armée numérique mise à la disposition du PSG vit foot, pense foot. »

Ces faux profils sont gérés par des humains afin de faire croire qu’il s’agit de vrais fans du club. (...)

La stratégie s’articule autour d’un compte « de référence », Paname Squad, qui se présente sur Twitter comme un « collectif de passionnés du Paris Saint-Germain ». Lancé en août 2018, ce compte a été alimenté par le PSG en infos exclusives sur le mercato afin de booster son audience et sa crédibilité auprès des journalistes, et ainsi « influencer le traitement sur des sujets d’actualité ». Il a également lancé un site web pour se positionner comme un media. Le compte Paname Squad a tutoyé la barre des 10 000 abonnés avant de redescendre à partir de 2020, lorsque le contrat n’a pas été renouvelé.

Autour du navire amiral Paname Squad gravitent une dizaine de comptes « partenaires », nommés Lana PSG, Ultra Attitude, Janot PSG ou La daronne du parc, chargés d’amplifier les campagnes en mode « troll ». Depuis, la plupart des comptes satellitaires mentionnés dans le rapport de DBB ont été fermés par Twitter.

Selon le rapport, l’« armée numérique » a accompli plusieurs missions : « infiltration de communauté », « prises de contact avec les journalistes influents », « collecte d’informations », « contacts avec la concurrence », et « promotion de la marque PSG ». (...)

Un autre volet de l’activité est autrement problématique. Dans son rapport annuel, l’agence DBB décrit neuf « attaques » contre des cibles précises en 2018/2019. « La stratégie de réponses et interactions est travaillée avec l’équipe communication du PSG », précise le document.

L’ « armée numérique » du club a ainsi œuvré pour protéger à tout prix la réputation de l’attaquant brésilien Neymar, acheté pour 222 millions d’euros. Après que la superstar a giflé un supporter du Stade rennais, le compte Paname Squad a publié l’identité complète de la victime et tenté de le faire passer pour un délinquant (...)

Les attaques les plus insultantes ont visé Adrien Rabiot et sa mère Véronique (qui est aussi son agente), lorsque le joueur est entré en conflit avec le club au sujet des modalités de son départ. (...)

Les faux comptes du PSG ont même osé s’en prendre à l’icône Kylian Mbappé, pourtant réputé intouchable. (...)

Fin 2018, « l’armée numérique » a lancé une opération spéciale contre Mediapart, rebaptisé « Mediapartouze », pour contrer les révélations de la seconde saison des Football Leaks, publiées en collaboration avec le consortium EIC et l’émission de France 2 « Envoyé spécial ».

« Soyons solidaires et unis derrière le PSG, ne laissons pas ces vautours salir notre image », tweete Paname Squad. Le compte accuse Mediapart de publier des « fake news » et de faire du « sensationnel » avec pour seul objectif de gagner de l’argent. Notre partenaire allemand Der Spiegel est accusé d’avoir acheté les données au lanceur d’alerte Rui Pinto – ce qui est absolument faux.

L’« armée numérique » a été particulièrement active au sujet de nos révélations sur l’affaire de fichage et de discrimination ethnique du PSG en matière de recrutement des jeunes joueurs. (...)

Plusieurs journalistes de Mediapart ont été la cible d’attaques personnelles, en particulier Yann Philippin, qui a coordonné l’enquête Football Leaks (et par ailleurs coauteur du présent article). Il est traité de « hacker », de « forceur », et invité à « changer de métier ».

Le compte Paname Squad est allé encore plus loin en menaçant, le 16 novembre 2018, de dévoiler les « numéros » et les « échanges » de plusieurs journalistes de Mediapart. Le lendemain, le compte publie les six premiers chiffres du numéro de portable du directeur de Mediapart, Edwy Plenel, rebaptisé « Crawsy le rouge ».

Le second média honni par le PSG est L’Équipe, rebaptisé « L’Epipe ». Le quotidien sportif est régulièrement pris pour cible, par exemple lorsqu’il a révélé l’ouverture d’une enquête judiciaire sur des soupçons de trucage du match entre le PSG et l’Étoile rouge de Belgrade. « Pitoyable », tweete Paname Squad avec un émoticône vomi et le mot-dièse « #BoycottLEquipe ». (...)

L’agence Digital Big Brother s’est refusée, « par souci de confidentialité », à tout commentaire sur le contenu des « différentes opérations et campagnes » menées pour le PSG. « Nous sommes tenus à la discrétion concernant les dossiers que nous traitons et les accords que nous signons », précise DBB. Questionné à ce sujet, le PSG n’a pas répondu.

Reste à savoir désormais si la justice va se saisir de l’affaire. Nelson, le supporter giflé par Neymar dont l’identité a été révélée par « l’armée numérique » du PSG, nous a indiqué qu’il comptait porter plainte.